Par Laetitia Santos
Posté le 16 mai 2025
À Auvers-sur-Oise, commune voisine de la Casa Babel, mondialement célèbre pour être la patrie des Impressionnistes dans le Val d’Oise, l’exposition « Van Gogh, les derniers voyages », a fait tant d’émulations l’an passé que le château a décidé de la prolonger.
Jusqu’au 2 novembre 2025, on vous invite donc à voyager dans les quatre dernières années du génial et fantasque Vincent Van Gogh et à découvrir bien des anecdotes de vie intimes entremêlées à son art, dont les couleurs soufflent tant la vie quand lui était sur le point de la perdre... Quelle veine qu’une si belle expo et ce sacré pan d’histoire de l’art soit là, à deux pas !
74 toiles produites en 70 jours de vie à Auvers-sur-Oise, voilà l’effet coup de fouet de ce charmant village val-d’Oisien sur l’un des plus fascinants peintres de notre monde. Il arriva pourtant là dans un triste état mais Auvers lui insuffla une frénésie créatrice. Il n’en repartit toutefois plus jamais : Auvers-sur-Oise est son ultime voyage.
Mais démarrons à Paris, commencement de l’exposition, lorsque Vincent Van Gogh s’y installe en mars 1886, dans l’appartement de son frère Théo, rue Lepic. Une salle introductive présente les deux frères et le lien étroit qui les a tenus proches tout du long - jusque dans la mort puisque Théo fut emporté par la syphilis six mois après son aîné - leur cheminement respectif avant d’arriver en France, plus linéaire pour l’un que pour l’autre, Vincent ayant habité 36 lieux différents en 37 ans d’existence ! On plonge dans l’arbre généalogique de la famille, on dévore des anecdotes aussi savoureuses que celle nous apprenant que tous les hommes du clan sur plusieurs générations s’appelaient Vincent ou Théo, y compris ce frère mort-né qui vit le jour un an tout pile avant Vincent, le 30 mars 1852, affublé du même patronyme que son illustre frère !
Touchant aussi d'admirer la gravure du Christ signée Arry Scheffer que Vincent Van Gogh a toujours gardé près de lui blotti dans une poche. Les Van Gogh était une famille bourgeoise aimant l’art et la littérature et le premier accrochage célèbre les références ayant inspirés Vincent et Théo, de Georges Michel à Charles-François Daubigny en passant par Jean-Baptiste Camille Corot. L’inspiration de la peinture flamande du XVIIème siècle y est évidente et l’âme de Rembrandt semble flotter là. On a dit Paris… on aurait pu dire les Pays-Bas pour ce tout début de voyage artistique.
À ne pas manquer aussi dans cette salle-là, l’extrait de « La vie passionnée de Vincent Van Gogh », film de 1956 signé Vincente Minnelli et George Cukor avec Kirk Douglas dans le rôle-titre et Anthony Quinn dans la peau de Paul Gauguin. Un classique du cinéma américain qui fit la renommée d’Auvers-sur-Oise dès lors. Et une des premières pellicules tournées en décors réels, notamment à Auvers où les habitants crurent durant tout le tournage que Vincent était de retour dans les rues de la charmante petite cité vexinoise tant Kirk Douglas l'incarnait avec une ressemblance à s'y méprendre.
On avance et voilà que l’on tombe sur le 1er chef-d’œuvre de Vincent Van Gogh datant encore de sa période néerlandaise, Les Mangeurs de pomme de terre. Plus loin, nous voilà bel et bien à Paname, dans la maison Goupil, place de l’Opéra : Théo, alors marchand de tableaux discipliné, accueille son frère à Paris, lui totalement débridé. Là, les œuvres des artistes qu’il admire et soutient parmi lesquels Edgar Degas, Henri de Toulouse-Lautrec ou encore Jean-François Millet et ses Glaneuses.
On grimpe à l’étage du château et nous voilà plongés rue Lepic, dans l’appartement de Théo… ou devrait-t-on dire l’appartement de Vincent tant lui et ses œuvres prennent alors leurs aises. Ici à Montmartre, le logement se fait atelier, salon de réception ou même garçonnière. Paris l’inspire et Van Gogh devient une figure incontournable de la vie du quartier. Il tisse un réseau de liens incroyables nourris d’artistes pour s’inspirer et de femmes pour s’encanailler. Paul Signac, Émile Bernard, Henri de Toulouse-Lautrec, Julien Tanguy le marchand de couleurs ou encore Paul Gauguin, deviennent quelques-unes de ses plus proches amitiés. Il y découvre aussi les « japonaiseries », les estampes nippones que les frères Goncourt diffusent avec passion dans la capitale et dont Van Gogh peindra quelques toiles largement inspirées du travail d’Hiroshige.
Totalement lessivé par deux années de grande vie à Paris, Vincent se décide à partir se ressourcer en Provence, elle qui lui rappelle la campagne japonaise. Sous le soleil du midi, son art mature et les chefs-d’œuvre éclosent à la façon des Tournesols : La Nuit étoilée, La Moisson, La Chambre à coucher…
Son copain Gauguin le rejoint, les deux peintres cohabitent mais leur relation finit par s’embraser. Après une énième dispute, l’un des épisodes de vie les plus célèbres de Vincent Van Gogh survient le 23 décembre 1888 : il se coupe l’oreille en pleine nuit et la police d’Arles le retrouve au petit matin inconscient et baignant dans son sang. Conduit aux hospices civils pour être soigné, il y est finalement interné. Dès lors, ses délires s’intensifient et Vincent s’enfonce dans un effondrement mental.
En mai 1889, il sera interné tout près de Saint-Rémy-de-Provence à sa propre demande où il intentera à sa vie à plusieurs reprises.
Théo, inquiet pour son frère, décide de l’envoyer à Auvers-sur-Oise sur les recommandations de son ami Camille Pissarro, lequel lui parle d’un médecin ayant fait sa thèse sur la mélancolie, le docteur Gachet. Il est touchant de voir là exposée la correspondance entre les deux hommes, habituellement gardée par le service des archives du département du Val d’Oise. Vincent arrive à Auvers-sur-Oise par le train le 20 mai 1890. Il y vivra 70 jours durant lesquels il peindra 74 toiles connues à ce jour dont des doubles carrés très spécifiques pour rendre des vues panoramiques du village, de ses champs cultivés, et de ses ciels dont l'homme se rapproche indubitablement. Le final sur Paysage au crépuscule et Champ de blé sous des nuages d’orage, boostés aux couleurs chatoyantes, est une merveille d’émotions et de talent rendant un vibrant hommage à notre chère Auvers-sur-Oise.
À noter qu'accroché tout près, une vue de l’église Notre-Dame d’Auvers-sur-Oise peinte depuis le même angle que celui choisi par Van Gogh a tout récemment remis l’histoire de l’art en question ! On pensait que Vincent était l’unique artiste à avoir représenté l’église ainsi, il n’en est rien : Wouter Van der Veen, commissaire de l’exposition et éminent spécialiste du peintre à l’oreille cassée, a déniché dans une petite vente à Agen une toile toute crasseuse signée Léonide Bourges, artiste oubliée. On ne sait qui a influencé l’autre et toutes les théories sont encore possibles ! L’histoire de l’art dans ce qu’elle a de plus vivant et vibrant est là : passionnant !
Le voyage s’achève dans une salle à la façon de L'Atelier des Lumières où l’on prendra plaisir à se plonger dans un généreux coussin de sol pour admirer le foisonnant travail de toute une vie signé Vincent Van Gogh, ce post-impressionniste de génie qui a rompu avec l’académique pour donner à la peinture de ce temps un souffle neuf. On finira par y apprendre que sa belle-sœur, Johanna Banger, femme de Théo, s’est acharnée à le valoriser avec son fils toute sa vie durant... jusqu'à la consécration éternelle.
LE BABEL PLAN EN SORTANT : La rédaction vous conseille vivement de prendre le temps de traverser la rue au sortir de l’expo. Car face à la place du château, s’ouvre aujourd’hui une toute nouvelle galerie baptisée, Vallée de l’Oise. Deux frères entrepreneurs originaires du coin, Alexandre et Raphaël Fonseca, ont commencé une collection de toiles impressionnistes il y a de ça quelques années, après avoir fait fortune dans l’industrie. Les voilà ouvrant au public une magnifique demeure qui fait face au château avec audace, pour dévoiler une collection d'une quinzaine œuvres, glanées au fil de leur passion naissante. Parmi elles, Auguste Renoir, Suzanne Valadon, Maxime Maufrat, Pierre Bonnard, Frédéric Cordey ou encore Henri Matisse et un impressionnant grand format que l’on doit à Robert Antoine Pinchon. Les frères ne s’arrêtent pas là et ont fait le choix de s'acoquiner avec Wouter Van der Veen, qu'ils accueillent en leurs murs, LE spécialiste de Van Gogh dans l’Hexagone : lui ouvre sa Van Gogh Academy ! THE place to be Auvers qu’on vous dit !
VAN GOGH, LES DERNIERS VOYAGES
Du 7 octobre 2023 au 2 novembre 2025
Château d'Auvers-sur-Oise,
Chemin des Berthelées - 95430 Auvers-sur-Oise
Tarif : 12 €, tarif réduit de 5 à 11 €, gratuit enfants de - 7 ans
Entrée libre dans le parc et les jardins du château de 9h à 19h
Du mardi au dimanche dont les jours fériés de 10h à 17h