"Vers les monts Célestes" : dans les pas des alpinistes soviétiques

Culture

Par Sophie Squillace

Posté le 19 mars 2021

Dans le film « Vers les monts Célestes », l’écrivain Cédric Gras plonge au cœur de l’Asie Centrale sur les traces des premiers alpinistes soviétiques. De Boukhara, en Ouzbékistan, au cœur des montagnes du Kirghizstan, il nous emmène à la découverte d’une histoire exceptionnelle, celle de l’expédition de 1936 des frères Abalakov.


C’est une grande aventure historique, géographique et humaine que nous partage Cédric Gras en relatant le destin de deux grands alpinistes soviétiques, les premiers à grimper au sommet du Khan Tengri (7 010 m) dans les monts Célestes du Kirghizstan, les fameux Tian Shan. « Vers les monts Célestes » offre une introduction en images de son dernier livre, Alpinistes de Staline, paru aux éditions Stock, et récemment couronné par le prestigieux prix Albert Londres.

Immensité et beauté du Kirghizstan

Les pays en –stan d’Asie Centrale restent souvent des contrées mystérieuses et difficiles à placer sur une carte. Grâce à ce documentaire qui nous emmène sur l’ancienne route de la soie, nous n’avons plus d’excuse ! En compagnie de Cédric Gras, nous partons en train à Boukhara en Ouzbékistan, puis à Samarcande, avant d’arriver à Bichkek, capitale du Kirghizstan, appelée aussi Kirghizie ou Kirghizstan.

Territoire très enclavé et montagneux, le pays est traversé par les Tian Shan, les fameux monts Célestes, dressés à plus de 7 000 m d'altitude, le long de la frontière avec la Chine. Dans ce pays à la culture fascinante, résultat direct d'une histoire bigarrée au croisement de multiples influences, l’héritage de l'époque soviétique se ressent et la nostalgie aussi, notamment chez les anciens avec qui Cédric Gras peut aisément converser en russe.

Géographe, grand voyageur et fin connaisseur du monde russe, des grands espaces de la Sibérie à l’Extrême-Orient russe, Cédric Gras avait toutes les cartes en main pour se lancer dans cette enquête hors du commun pendant plusieurs mois. De Moscou à la Suisse, ses recherches lui ont permis de retracer le destin exceptionnel des frères Abalakov, inconnu en occident. En allant jusqu’au Kirghizstan, il va voir de ses yeux le théâtre de leur ascension mythique. On prend tout autant de plaisir à découvrir l’histoire de ces stars de l’alpinisme soviétique, que d’être témoin de la quête de l’auteur, fasciné au plus haut point par l’histoire, l’alpinisme, la langue russe, que la beauté éclatante du Kirghizstan.

Son périple le mène véritablement « Vers les monts célestes », en prenant le temps du voyage, démarche indispensable pour approcher lentement le monde des glaces, en s’imprégnant des cultures vues sur sa route, des marchés ouzbèques aux nomades kirghizes. A l’époque, les frères Abalakov partis de Russie gagnaient eux aussi l’Asie centrale en train à travers tous les déserts et les steppes. Leur expédition ne se résumait pas seulement à une ascension en haute montagne ; c’était un voyage.

Sur les traces des alpinistes de Staline

Diffusé sur la chaîne Ushuaïa tv, ainsi que dans de nombreux festivals, ce documentaire original est ponctué de photos d’archives aussi exceptionnelles que les explorations actuelles de Cédric Gras sur le terrain. Car c’est aussi un hommage qu’il rend au photographe suisse Lorenz Saladin, qui a participé à l’ascension en 1936 du Khan Tengri, en laissant un témoignage unique de cette épopée à travers des clichés en noir et blanc d’une grande qualité.

Impossible de décrire cette aventure sur les traces des frères Abalakov sans émotion. Tout au long du film, on voit Cédric Gras s’émerveiller devant la beauté des lieux traversés, mais pas seulement. Il y a une puissance et une sincérité dans ce qui l’a mené ici, au plus près du sujet de son enquête. Même si 80 ans le séparent de l’expédition des frères Abalakov, il exprime une proximité rare avec eux, d’autant plus lorsqu’il part en trek dans cette région lunaire et glaciaire, et qu’il voit apparaître pour la première fois le majestueux Khan Tengri devant ses yeux. Des images rendues encore plus belles grâce au regard très sensible de la réalisatrice et à la musique dynamique du groupe ukrainien d’électro folk Onuka en bande sonore.

La narration de Cédric Gras mêlée aux très belles images d’Aurélie Miquel nous transporte dans un univers d’une beauté éternelle où flotte l’histoire de ces héros d’un autre siècle. A la fin du film, les fins tragiques des membres de l’expédition dévoilant la très dure réalité du système soviétique sont évoquées. On ne vous en dit pas plus… En espérant que ce film vous plaise, autant qu’à nous, et qu’il vous donne envie de plonger dans le dernier ouvrage audacieux et passionnant de Cédric Gras, *Alpinistes de Staline.

Film disponible jusqu'au 27/03 sur MyCanal