Par Laetitia Santos
Posté le 12 janvier 2011
Il a 27 ans, a déjà une belle réputation grâce à ce don qu’il a pour la photographie et ce culot d’afficher ses créations au format XXL dans les endroits les plus inattendus de la planète et il nous livre aujourd’hui son premier long-métrage sur la condition féminine dans le monde. Lui, c’est JR et il n’a absolument rien à voir avec la loi du plus fort véhiculée par le célèbre personnage de Dallas dont il porte le nom. Portrait.
En décembre dernier sortait Faites le mur ! du célèbre street artist Banksy et en voilà un autre qui s’essaie aujourd’hui à la réalisation, le Français JR, 27 ans, qui tout comme son comparse anglais, veut garder l’anonymat, utilise la rue comme toile et ne quitte que rarement chapeau et lunettes.
Seulement, son énergie communicative et sa remarquable esthétique photographique en font un personnage intriguant. Ses immenses photos, aussi poignantes qu’éphémères, qu’il placarde à tort et à travers sur les toits, murs et trains des villes du monde, ne le font pas exactement passer inaperçu. Il capte des instants, des grimaces notamment, des portraits cherchant à mettre en avant la joie de vivre et la combativité de femmes souvent écorchées par un rude quotidien et qui n’y perdent pourtant pas leur dignité.
Des favelas de Rio de Janeiro aux bidonvilles du Cambodge en passant par les ruelles crasseuses de l’Inde, JR nous dévoile la lumière là où beaucoup ne verraient que des ombres. Un peu à l’image de la scène d’ouverture de son film, que l’on ne saisit qu’après coup : l’artiste filme en plan serré le visage d’une femme noire, sa poitrine nue. On l’entend pousser de longs gémissements de douleur. On imagine le pire. Et soudain, des cris stridents, ceux d’un bébé pleurant, qui viennent nous éclairer et nous font saisir que l’on assiste à un accouchement. La vie prend le dessus sur la souffrance.
Pour la première fois surtout, les visages s’animent - sur des rythmiques de Massive Attack survitaminées - et nous content chacun leur histoire. Des histoires toujours dures mais jamais tire aux larmes, comme le fait par exemple Shanti en Inde, en racontant face caméra et toutes dents dehors comment elle est parvenue à se débarrasser de plusieurs hommes qui voulaient la violer parce qu’elle était d’une caste inférieure. Une autre nous parlera d’un frère victime des guerres de gangs, une autre encore d’un mari ayant fui la maison pour échapper à la menace des armes... Mais toutes seront heureuses et honorées de se voir accorder tant d’importance par JR et d’être placardées au format XXL dans des lieux qui leur sont si familiers.
Si beaucoup verront cette démarche d’un oeil nombriliste, accordant à l’artiste de rue le seul crédit de l’auto-promo, on péfèrera nous, y voir un projet sincère et bourré d’humanisme.
Woman Are Heroes, réalisé par JR
En salles le 12 janvier 2011