"Les Murmures de la Glace" : Evrard Wendenbaum n'a pas froid aux yeux !

Culture

Par Laetitia Santos

Posté le 29 janvier 2019

Deux mois d’expédition et 40 kg sur le dos, voilà ce dans quoi il faut s’engager pour atteindre à pied les anfractuosités les plus éloignées du Scoresby Sund à l’Est du Groenland, le plus vaste système de fjords au monde. Et rare territoire encore vierge de toute activité humaine. C’est au beau milieu de ce terrain de jeu verglacé qu’Evrard Wendenbaum, explorateur membre de la "Société des Explorateurs Français" et fondateur de l’ONG "Naturevolution", s’est embarqué avec une équipe de chercheurs au CNRS qui lui talonnent ses crampons de près. Objectif : étudier l’impact du réchauffement climatique sur cette région à la biodiversité étonnante et collecter tout un tas de données pour mieux pour la protéger.


Crapahute avec piolets suspendue au-dessus des eaux glacées, apnée irréaliste dans des profondeurs pailletées, campement sur la glace à la portée des ours, canyoning et pagaie au coeur de failles congelées, spéléo à plat ventre sous des milliers de cristaux, l’équipe de Natureveolution n’a décidément pas froid aux yeux ! La passion réchauffe à n’en pas douter...

À l’image du Makay malgache, que l’association a en gestion depuis 2015, ou du Konawe indonésien, le Scoresby Sund est un paradis intouché grâce à une situation géographique particulièrement difficile d’accès. Naturevolution, qui existe pour protéger ces Mondes Perdus, a ainsi identifié une quarantaine de sites encore intactes à travers le monde, refuges de biodiversité sans pareil. Le questionnement qui a donné naissance à l’ONG à ses origines ? Une fois conscient de la richesse exceptionnelle de certains lieux, l’Homme est-il capable de la conserver telle quelle au lieu de l’abîmer ? L’avenir de ces trésors naturels saura nous le dire...

Après les cathédrales minérales du Makay, qui avait donné lieu à un premier documentaire de 52 min déjà plusieurs fois diffusé sur Arte, place aux icebergs roulants du Scoresby donc. On relève les craquements et résonances de l’un, on en carotte un autre, on sonde les sables de ce glacier fossilisé, on quantifie les débits d’eau qui transitent par ces spectaculaires moulins, et on photographie les boeufs musqués et autres espèces de ces latitudes désertées. Le terrain de jeu est rare, étonnant et emporte Evrard, son équipe et le spectateur dans un monde qui nous semble alors totalement extra-terrestre. Il est pourtant bel et bien le nôtre.

Les images nous flanquent la peur au ventre. Les risques pris par l’équipe semblent grands : comme lorsqu’Evrard aborde un iceberg vacillant par une face qu’il attaque au piolet au-dessus des eaux congelées, comme lorsque deux scientifiques se glissent dans les entrailles de la glace oppressés par l’immensité gelée qui les enveloppent, ou comme lorsqu’un canoe gonflable manque de percer par les morceaux de glace acérés qui viennent racler le caoutchouc. La scène sur les rapides déversés par les eaux de fonte où un raft reste coincé juste avant l’entrée d’une mince faille tout en se faisant malmener par les eaux torrentielles est tout aussi spectaculaire. Les images sont impressionnantes et nous font vivre l’aventure comme si on y était.

Revenu depuis de ces contrées gelées, Evrard Wendenbaum est venu présenter son film et ses actions au Festival du Film d’Aventure de Terdav le week-end dernier au 104-Paris. Il en a profité pour révéler quelques conclusions de cette expédition : la fonte des glaces est bien plus rapide que ce que nous imaginons. Et le permafrost en fondant pourrait libérer bien des virus enfouis là depuis des générations. D’après leurs théories, la grippe aviaire pourrait en être un exemple...

Entre beauté transcendante et analyses glaçantes, on ressort de ce film avec une farouche envie d’agir. Et admiratifs de ceux qui s’engagent d’ores et déjà.