L'Oloffson : Port-au-Prince dans de beaux draps

Babel Plans

Par Laetitia Santos

Posté le 13 août 2017

Voilà un endroit hors du temps… Autant parce que l’hôtel Oloffson est bourré d’un charme délicieux alors que tout autour grouille la misère de Port-au-Prince, que parce que l’endroit n’a pas bougé depuis le début du siècle dernier. Cette merveille figée dans son jus est à ne pas louper si vous devez séjourner dans la capitale.


Le plancher craque, s’affaisse même par endroits. La dentelle de bois est toujours là, partout, sublimant chaque pan de la façade et de la longue galerie-restaurant. Les fauteuils sont de rotin tissé, les rocking-chair se balancent à l’étage, les lits sont à baldaquin, les moustiquaires volètent au vent chaud, les ventilateurs tournoient dangereusement... Bienvenue dans un autre temps.

Pain d’épice à Port-au-Prince

L’Oloffson est de ces maisons de style Gingerbread qui hantent encore les rues de Port-au-Prince et d’autres villes du pays, porteuses d’une âme merveilleuse. On les doit aux architectes Georges Baussan, Léon Mathon et Joseph-Eugène, qui partirent à Paris étudier et revinrent avec l’idée de mêler le style des maisons de villégiature françaises à des motifs élaborés et des couleurs vives d’après le goût haïtien. Après le tremblement de terre de 2010, le World Monuments Fund a recensé plus de 200 maisons gingerbread dont la plupart tombe aujourd’hui en décrépitude.

Mais pas l’Oloffson, qui tient toujours debout contre vents et marée, comme le veut l’expression qui prend tout son sens en Haïti. Bâtie fin XIXème siècle pour la famille Tirésias Simon-Sam, ancien président de la République, la demeure a fait office d’hôpital pour les troupes américaines entre 1915 et 1934. Ce n’est qu’à la fin de l’occupation qu’elle est devenue hôtel, sur la décision de son locataire, un capitaine de bateau suédois nommmé Werner Gustav Oloffson.

Aujourd’hui, l’hôtel est la possession de Richard Morse, cousin de l’ancien président Martelly, qui a notamment dénoncé la corruption au gouvernement. Il s’attache maintenant à conter Haïti à ses résidents tout en les faisant danser fièvreusement chaque jeudi soir au rez-de-chaussée de l’hôtel puisque Morse n’est autre que le leader de RAM, groupe de musique racine qui déchaîne les sensualités haïtiennes. L’homme serait aussi prêtre vaudou... Une figure haïtienne dans toute sa splendeur !

Romantisme & désuétude

Si la bâtisse aurait bien besoin d’être plus entretenue, la vie hôtelière la maintient tant bien que mal et la patine du temps sublime les lieux tout en nous rendant songeur à l’idée de ce que devait être Port-au-Prince à sa grande époque.

Ici a défilé le gratin de la haute société : des acteurs, des écrivains, des journalistes et artistes en tous genres et du monde entier. Chaque chambre a d’ailleurs été baptisée du nom d’une de ces célébrités : Charles Addams, Alvin Ailey, Jimmy Buffet, Greg Chamberlain, Aubelin Jolicoeur, Barry Goldwater, ou même Mick Jagger et Jean-Claude Van Damme ! L’Anglais Graham Greeene y prit aussi ses quartiers le temps de l’écriture de son roman, Les Comédiens.

La suite la plus incroyable de la ville, c’est John Barrymore, petit bijou ancien qui jouit d’une galerie en L d’une infinie douceur caribéenne qui surplombe la ville et donne à voir jusqu’à la mer.

La ville toute proche est bruyante, l’eau du bain n’est pas toujours chaude, pas toujours là tout court, un interrupteur n’amène pas toujours de lumière et on a parfois la sensation qu’une marche va se décrocher sous nos pas. Mais nous sommes à Port-au-Prince : même l’Oloffson survit comme il peut…

Hôtel Oloffson

L'hôtel mythique de Port-au-Prince, parfaitement dans son jus, et caractéristique du style gingerbread de l'époque. Un plongeon dans le passé de l'île.

Coordonnées

+ 509 22 23 4000

[email protected]

60 Avenue Christophe, 60 Route des Dalles, Pòtoprens, 6112, HT

Tags: hôtel