Waterfalls Homestay, l’union fait la force

Société

Par Sophie Squillace

Posté le 28 janvier 2019

Au sud-est des hauts plateaux du Sri Lanka, en plein pays du thé, Ella est un véritable petit coin de paradis. Au milieu de la multitude d’hébergements qui ont vu le jour, la maison de Martin et Karen a gardé son âme et la partage avec ses voisins…


Ce couple d’australiens tombé amoureux du village d’Ella il y a près de quinze ans, a ouvert une maison d’hôtes face à une belle cascade, Waterfalls Homestay. Pour se serrer les coudes avec leurs voisins, ils créent Ella Good Neighbours, un projet communautaire regroupant plusieurs guesthouses toutes situées au même endroit. L’idée est simple et pourtant brillante : soutenir les familles sri lankaises souhaitant accueillir des voyageurs chez eux, partager les expériences et les ressources. Rencontre avec Karen.

Qu’est-ce qui vous a amené au Sri Lanka ?

Nous avons pas mal voyagé et nous rêvions d’ouvrir une maison d’hôtes dans un pays asiatique. Finalement, c’est au Sri Lanka que nous avons eu un coup de cœur et que l’opportunité s’est présentée. On a d’abord géré une guesthouse dans le centre-ville d’Ella pendant trois ans avant de construire notre propre maison dans les hauteurs, face à « notre cascade ».

Waterfalls Homestay a ouvert en 2009, cela fait dix ans que nous vivons notre rêve et que nous avons trouvé notre équilibre !

Comment est composée votre équipe ?

Nous travaillons avec trois personnes à mi-temps, toutes originaires d’Ella. On les considère plus comme des membres de la famille que des employés. En les rémunérant plus que la moyenne, en les formant, notre souhait c’est qu’ils deviennent ensuite indépendants et qu’ils créent leur propre projet, souvent une guesthouse ou un restaurant à Ella. On a donc des périodes de transition un peu délicates mais c’est une grande satisfaction de voir nos amis réussir dans leur projet.

Qu’est ce qui a été le plus difficile dans la création de votre hébergement au Sri Lanka ?

Gérer une entreprise est un challenge en soi, le faire dans un pays étranger encore plus. Et dans un petit village d’un pays qui s’ouvre au tourisme, à la langue et à la culture très différente de notre pays d’origine, rend la tâche encore plus difficile ! Il y a bien sûr tout ce que cela implique en terme administratif. Mais les plus grandes difficultés se trouvent plutôt au début de la chaîne. Pouvoir tout simplement fournir de l’eau et de l’électricité à nos hôtes, des choses qui paraissent tellement évidentes pour les voyageurs mais qui dans un petit village au Sri Lanka sont toujours des problématiques actuelles.

Quelles initiatives écoresponsables avez-vous mis en place dans votre structure ?

Les comportements et gestes écologiques sont plus difficiles à mettre en œuvre au Sri Lanka que dans nos pays d’origine, ils ne sont pas encore vus comme essentiels, sauf s’ils permettent de faire des économies. On a commencé petit à petit, pas à pas. Nous avons accès à une source naturelle, nous filtrons l’eau et l’offrons à nos clients. Grâce à cela,on a déjà beaucoup réduit la consommation plastique générée par l’usage des bouteilles en plastique individuelles.

Dès le début, nous avons mis en place le tri sélectif, et faisons aussi notre compost. Papier, métal, plastique et verre sont ensuite envoyés à la petite déchetterie d’Ella, en espérant que le processus aille jusqu’au bout, difficile d’avoir de l’information précise sur le devenir de nos déchets sur l’île. Parfois, les habitants des environs viennent chez nous collecter le verre ou le plastique pour le recycler et le revendre, générant ainsi un revenu pour les communautés les plus pauvres.

Nous travaillons le plus possible avec des petits producteurs, tous nos ingrédients proviennent du marché local de Bandarawela. Nous réduisons progressivement la quantité globale de nos déchets car nous n’utilisons pas de produits individuels tels que les petites portions de beurre, confiture, lait, shampoing… Enfin, on chauffe l’eau grâce à l’énergie solaire.

Comment sensibilisez-vous les voyageurs à un tourisme plus responsable au Sri Lanka ?

A leur arrivée, on leur montre tout de suite qu’ils peuvent remplir leur gourde, s’ils en ont une, avec l’eau qu’on met à disposition. On les encourage àêtre« water wise », c’est à dire à consommer l’eau raisonnablement. La région est touchée par des périodes de sècheresse, ce n’était pas le cas il y a une dizaine d’années. Dans chaque salle de bain, nous avons installé des petites poubelles, on demande de ne plus jeter le papier toilette dans la cuvette, il ne se désagrège pas dans notre fausse septique.

Enfin, nos chambres ne sont nettoyées que tous les trois jours pour éviter de laver inutilement draps et serviettes, sauf si on nous le demande bien sûr. Le soir, nos clients vont souvent manger en ville en prenant un tuk-tuk mais on les encourage à manger dans notre restaurant communautaire, chez nos voisins, autour d’un grand buffet traditionnel.

L’occasion de goûter à la cuisine locale et de rencontrer d’autres voyageurs.A vrai dire, tous les gens qui séjournent chez nous sont plutôt contents de notre fonctionnement, de participer en quelque sorte à l’effort général. Je crois que quand les choses sont bien expliquées, les changements se font naturellement.

Quel est votre impact sur les communautés locales ?

Depuis le début, on a voulu insuffler autour de nous l’importance de travailler ensemble, et non les uns contre les autres. Au début du boom touristique à Ella, quand les premières guesthouses ont commencé à ouvrir leurs portes, tout le monde voyait son voisin comme un concurrent. Il a fallu quelques années pour faire accepter l’importance et les bénéfices que l’on peut tirer à travailler ensemble comme une vraie communauté soudée.

Le site internet Ella Good Neighbours (actuellement en cours de maintenance) regroupe les demandes de réservations qui sont ensuite dispatchées entre huit différents hébergements. De notre côté, si le Waterfalls Homestay est complet, je donne tout de suite le contact de Chandy, notre masseuse ayurvédique en charge des réservations à Ella Good Neighbours, qui va trouver une chambre de libre dans l’une des guesthouses voisines.

Je suis fière que notre petit hameau, Kithelella, soit devenu autonome et soit capable d’offrir aux voyageurs un service de qualité : hôtels, restaurant, massage, guides et chauffeurs. La plus grande reconnaissance, c’est de savoir qu’aujourd’hui notre modèle est duplicable ailleurs sur l’île. D’autres villages, dans d’autres régions, souhaitent mettre en place le concept de « Good Neighbours ».

Comment voyez-vous l’avenir du tourisme au Sri Lanka ?

Pour être sincère, je suis assez inquiète de la hausse de la fréquentation touristique et de son impact sur l’environnement. Les dernières années ont vu une telle croissance, tout le monde l’a ressenti, trop rapidement. Je pense qu’un si petit territoire ne peut pas concentrer autant de monde dans les mêmes grands sites touristiques.

Les déchets, l’eau, l’électricité, dans certains endroits, les ressources ont été poussées au maximum, sans aucune régulation au niveau national pour cadrer ces problématiques. Alors que je suis persuadée que le tourisme est un formidable levier de développement, pour accéder à l’emploi dans des régions isolées, pour l’amélioration des conditions de vie, j’ai peur qu’à un moment, l’équilibre soit rompu. Alors les impacts négatifs liés au tourisme, à la fois sur l’environnement et sur les particularités culturelles, prennent le dessus sur les côtés positifs…

Quelle serait votre réponse la moins pessimiste ?

Je ne crois pas aux politiques touristiques de « low volume, high value », en générant des revenus importants grâce au tourisme de luxe. Le voyage ne peut pas être destiné qu’aux plus riches, je trouve que c’est à l’opposé même des notions de partage et de rencontre liées au voyage. Je pense plutôt à une régulation nationale des visas délivrés chaque jour, de la fréquentation des grands sites, à une meilleure répartition des flux touristiques sur le territoire.

Je ne sais pas, c’est une question très complexe. Dans tous les cas, les acteurs du secteur qui ont du pouvoir devraient se pencher rapidement sur la question s’ils veulent que les voyageurs continuent de visiter le Sri Lanka. Ils viendront à condition que l’île soit toujours resplendissante. Depuis notre petit village, on continue à travailler tous ensemble pour un tourisme responsable, en réduisant notre impact et en économisant nos ressources…

Waterfalls Homestay

Maison d'hôtes face à une magnifique cascade signée Martin et Karen, Australiens amoureux de l'île. 35 à 42€ selon les chambres avec petit-déjeuner

Tarif
La nuit avec petit déjeuner
À partir de 35 EUR
Coordonnées

+94 575 676 933

[email protected]

https://waterfalls-guesthouse-ella.com/

11 Waterfalls Road, Watagodawaththa, Ella, 90090, Uva Province, LK