Richard Bohringer : "La palpitation aventureuse en Colombie, elle est intense !"

Interview voyage

Par Laetitia Santos

Posté le 24 juin 2016

Sa santé est fragile mais sa voix est toujours aussi forte et bouleversante. Richard Bohringer, invité d’honneur de la 2ème édition du No Mad Festival, connait toutes les routes du monde et pourtant, il ne s’attendait pas à la Colombie lorsque son fils aîné Mathieu, la lui a fait découvrir il y a quelques années de ça. Conversation passionnée avec l’acteur français dont l’Afrique coule dans les veines mais qui porte en lui un attachement tout spécial à la Colombie.


Richard, pouvez-vous nous expliquer le lien particulier que vous entretenez avec la Colombie ?

"C’est avec mon fils Mathieu que j’ai découvert la Colombie. Moi c’était l’Afrique, le Sahel. Depuis très jeune, Mathieu partait avec moi. Je me suis d’ailleurs toujours demandé comment il avait pu être aussi brillant dans ses études alors qu’il était si festif et toujours partant pour le tour du monde ! Je suis parti avec mon fils aîné et nous avons fait beaucoup de pays dans le monde, beaucoup d’Afrique notamment, Mali, Sénégal, Mauritanie… On a pas mal tourné ! Mathieu a d’ailleurs eu une association pour les enfants de la rue là-bas, il y a travaillé, il y a été aimé… J’étais très fier de lui. Plus tard, il a continué le tour du monde seul. Il est notamment passé par le Brésil et puis un jour j’ai reçu ce message « Je veux voir la Colombie ». Là, il est tombé fou de ce pays. Il aime tellement la vie et le monde que très vite, il plonge dans les atmosphères… Il était prof, il trouvait des postes de remplacement aux quatre coins du globe. Et petit à petit, il m’a attiré (rires) ! A l’époque, il vivait à Carthagène et il avait ouvert une petite structure de voyage, Aventure Colombia***. De l’Amérique du Sud, je connaissais l’Argentine, le Mexique mais pas ce pays qui effrayait tout le monde. **J’ai vécu un peu là-bas en famille, à Carthagène des Indes, avec Mathieu. J’ai trouvé ça absolument magnifique, un joyau loin de tout ce que l’on peut en dire. Il y a des attitudes, des nonchalances, des regards, la beauté de certaines maisons, de certaines petites rues… Un jour Mathieu me dit «* Pourquoi tu ne viens pas faire ton spectacle en Colombie ? » Et il a organisé un tour de la Colombie qui était complètement fou, à travers Medellin, Carthagène… On jouait dans les villes comme dans les favelas, parfois des mecs avaient des mitraillettes à gauche à droite ! J’avais une traductrice très talentueuse qui traduisait tout ce que je disais et ils adoraient ça, ils adorent la tradition orale ! Il y a à Medellin le plus grand festival de poésie au monde, des hommes et des femmes qui viennent du monde entier, qui montent sur scène, ils sont totalement hors du temps, hors de notre temps à nous. Et je me suis profondément attaché à cette découverte humaine, au pays du très visible comme de l’imperceptible… J’y ai vécu des instants tout à fait exceptionnels et moi qui pensais avoir fait toutes les routes du monde, j’ai découvert la route colombienne, sa beauté à travers toute la nature, les montagnes… C’est sublime, juste sublime."

Pouvez-vous nous raconter un moment fort en particulier qui vous vient à l’esprit lorsque vous pensez à la Colombie ?

"Monter faire de la poésie là-haut dans les favelas quand on arrive vers 6h du soir, que la nuit est noire et que les fenêtres sont ouvertes et que les mecs sont appuyés sur le bord de leur fenêtre et qu’ils regardent nos bagnoles avec un œil extrêmement aiguisé. Je me rappelle ce petit centre culturel de la favela, bondé de monde, j’y ai vu tous mes textes visuellement parce qu’une femme traduisait tous mes textes pour les sourds et les malentendants, tout ça dans une chaleur terrible, c’était de la mythologie ces instants là…"

Entre le Sénégal, votre pays de coeur, et la Colombie, y a-t-il des similitudes que vous retrouvez et que vous aimez ?

"Le Sénégal et la Colombie sont vachement différents. Le Chocó, je crois que c’est l’endroit le plus fou et le plus beau que j’ai pu rencontrer dans ma vie malgré l’Afrique. C’est la région où tous les Africains esclaves ont été installés. Le Sahel, il n’y a pas beaucoup d’arbres, dans le Chocó, il y a beaucoup d’arbres, beaucoup d’espèces, des baleines qui viennent par bancs entiers... La beauté de la nature est telle que c’est très puissant, le Chocó est tellement fort, **tellement total, c’est la naissance du monde...C’est l’Amérique du Sud, on est dans le roman d’Amérique du Sud, il y a la Cordillère des Andes, l’Amazonie… Ca n’a rien à voir !"

Par rapport à tous les a-priori qu’on peut avoir sur ce pays en terme d’insécurité, de drogue, est-ce que votre ressenti va à l’encontre de cette mauvaise image ?

"Quand j’y étais il y avait des barrages militaires mais qui vous laissaient passer sans demande d’identité, sans rien du tout. Pas de sentiment d’insécurité non… Et puis les bandits, on peut les rencontrer dans le Sahel aussi, partout. La Colombie a été martyrisée. Effectivement, il y a eu des évènements, il n’y a pas de fumée sans feu, mais ça s’est beaucoup calmé tout ça. La drogue, c’est dans le monde entier aussi. La Colombie a mauvaise réputation ok, mais si vous vous ne voulez pas toucher à la drogue, vous n’y touchez pas ! La drogue, elle n’est pas étalée en plein jour ! Alors la nuit, tous les chats ne sont pas gris, certes ! Les touristes, il faut qu’ils sachent que, comme dans beaucoup de pays qui ont de grandes populations, on ne se balade pas n’importe ou à Bogota mais moi je ne me balade pas non plus n’importe ou dans d’autres lieux, c’est à chacun d’avoir une discipline !"

La Colombie vous parait être un pays propice pour voyage responsable ?

"Il faut des guides qui ne soient pas des escrocs et donc, il faut mon fils (rires) ! J’ai déjà vu 2-3 hommes que Mathieu avait emmené, les mecs ils ne redescendent pas et pourtant, ils ont l’habitude de voyager ! Quand vous êtes avec des gens qui vous emmènent là ou il faut, qui ont les mots, la vision dans l’œil, vous ramenez une richesse immense. Par contre si vous tombez sur un gougnafier, là oui c’est autre chose. Mathieu vous emmène là où le peuple vit les choses."

Vous préparez actuellement un carnet de voyage sur la Colombie après celui que vous aviez publié sur le Sénégal aux éditions Arthaud. Vous pouvez nous en dévoiler un peu le contenu en exclusivité ?

"J’ai envie de raconter la route en Colombie ! De Bogota à Carthagène en passant par Medellín, tout ! La route avec ses arrêts dans des gros bourgs magnifiques, cette architecture espagnole, ces grandes places pavées… C’est partout très beau, c’est partout très attachant, très attirant. La palpitation aventureuse, elle est intense. C’est un pays qui est bouleversant, qui ne lâche pas les yeux et qui reste dans la mémoire d’une façon très forte, rien ne s’édulcore. Des mois après, si on veut retrouver ces instants, on les retrouve très facilement. Il y a d’autres pays de la sorte, la Colombie n’est pas seule à être comme ça mais c’est top pour l’aventure ! Ca exalte de partout.* **C’est l’aventure extérieure mais intérieure aussi...*"

Pour aller plus loin : Découvrez le portrait de Mathieu Perrot-Bohringer, fils aîné de Richard, et grand passionné de Colombie aux côtés de qui Babel a voyagé !

A ne pas manquer ! Richard Bohringer sera présent demain au No Mad Festival 2016 pour une conférence sur la Colombie aux côtés de ses fils et de la carnettiste Stéphanie Ledoux. Vous aurez aussi la possibilité de déjeuner avec lui lors de grandes Tablées en plein air samedi 25 juin à 13h. Réservation auprès de l’Office de Tourisme de Cergy-Pontoise au 01 34 41 70 60.
Infos et programmation complète : http://babel-voyages.com/no-mad-festival-2016/no-mad-festival