Par Laetitia Santos
Posté le 4 décembre 2012
Nicolas Hulot, Yann Arthus-Bertrand et Yasmina Khadra. Trois grands noms qui sortent en cette fin d'année, trois beaux albums comme autant d'invitation à l'évasion.
A l'honneur, 25 ans d'années Ushuaïa, les mers du monde et l'Algérie.
Des photos immenses imprimées sur des doubles pages pour un effet encore plus intense, qui balance entre émerveillement et désolation, voilà ce que nous envoie le bel album de Yann Arthus-Bertrand, joliment intitulé L'Homme et la mer et qui fait irrémédiablement référence aux Fleurs du Mal de Baudelaire et à son poème éponyme. Hemingway n'est pas bien loin non plus...
Entre deux cahiers de photographies, qui nous entrainent aussi bien sous l'eau, qu'à bord des bateaux de pêche, sur les plages, les eaux glacées et au plus près des êtres marins avec des images macros, des pages de textes articulées autour de différentes thématiques : on réfléchit ainsi au mouvement vital des océans, à la richesse de ce monde foisonnant, à la manière dont l'Homme vit avec la mer, aux océans que l'on prend pour la poubelle du monde, à la surpêche qui menace la biodiversité, à la fin programmée des grands prédateurs ou encore, note plus positive, à une gestion enfin durable des océans. Chaque sujet donne lieu à un entretien avec un spécialiste de la question, du réalisateur Rob Stewart spécialisé sur les requins, à Michel Rocard en passant par la navigatrice Isabelle Autissier.
Si les images sont belles, elles ne nous limitent jamais à la simple contemplation. Et si l'on s'émerveille un moment, c'est pour mieux se retrouver consterné dans la foulée : par les rejets d'une usine de déssalement d'eau de mer au Koweït, par la mise à mort de thons rouges de l'Atlantique dans un immense bain de sang, par ce bateau chasseur de phoques qui perpétue un véritable massacre sur la banquise, par cette tortue prise au piège d'un filet à la limite de la noyade… On s'émeut puis on s'alerte, on découvre ébloui avant de constater que c'est déjà voué à disparaitre. On nage dans des eaux sombres, dans des eaux translucides, des eaux chaudes, des eaux glaciales. Les bleus ne se ressemblent jamais, palette de couleurs aussi infinies que la diversité des espèces qu'ils abritent.
"La mer est ton miroir, tu contemples ton âme" écrivait Baudelaire. Si chaque homme pouvait en être persuadé, alors sans doute prendrait-on davantage soin de la mer, au moins autant que chacun prend soin de son apparence...
Il y a quelques jours, on publiait non pas peu fier une interview du grand photographe Reza, humaniste, ancien compagnon de route du commandant Massoud, dont beaucoup de clichés sont gravés dans l'inconscient collectif. Lors de cette rencontre, Reza s'exprimait sur l'Algérie d'aujourd'hui alors que le pays fête cette année son cinquantenaire de l'indépendance.
Et si l'homme d'origine iranienne s'est exprimé sur l'Algérie, ce n'est pas sans raison puisqu'il publie un album superbe de photographies sur le pays en question, main dans la main avec le plus célèbre écrivain francophone contemporain, Yasmina Khadra. Les sirènes de Bagdad, L'Attentat, Ce que le jour doit à la nuit..., les romans de Yasmina Khadra sont pour beaucoup devenus des best-sellers et qui aurait pu mieux que cet auteur retranscrire la réalité contrastée d'un pays encore en proie aux difficultés ?
Loin des clichés, la plume de Khadra s'associe à l'objectif de Reza pour une plongée douce, poétique mais réaliste pour autant dans l'Algérie telle qu'elle est aujourd'hui. Alger, le Nord-Ouest, la Kabylie et le Grand Sud, on fait le tour du pays en s'arrêtant sur chacune des spécificités qui le rendent unique, au plus près des hommes et des décors.
"J'aime mon pays comme un naufragé s'accroche à son épave, un naufragé molesté par une mer démontée. On a beau dire, beau médire de lui, je m'interdis de le croire perdu. Pour moi, un rivage est toujours possible. Il suffit de tenir jusqu'au bout." Voilà la manière dont Khadra mène son écriture d'un bout à l'autre du livre, avec force, courage, passion, sans se laisser décontenancer par les aspects contestables de la politique algérienne du moment. Un voyage en Algérie sublimé par le talent des deux hommes mais au plus près de la réalité du moment. Un nouveau best-seller de Khadra en perspective ?
Le jour où Nicolas Hulot a annoncé sa candidature à la présidence de la république, Ushuaïa Nature a cessé sa carrière télévisuelle alors que l'émission comptait parmi les joyaux télévisuels depuis un quart de siècle tout de même. Ses images d'expéditions et de bout du monde, dont l'exotisme transpirait à travers l'écran, les téléspectateurs étaient plusieurs millions à en attendre les rendez-vous chaque année. Et quand le générique bien connu retentissait à nos oreilles un soir de semaine, on courait se jeter dans le canapé avec la même excitation que celle avec laquelle on s'enfonce dans le siège d'un avion à chaque départ en voyage.
Avec Hulot comme figure de proue, Ushuaïa est devenue une quête sans fin vers l'émerveillement. Un moment d'exception qui a duré 25 ans et auquel Hulot a souhaité rendre hommage avec ce livre émouvant chargé en belles photos et en anecdotes côté coulisses qui viennent renforcer notre affection pour Hulot le baroudeur, qui nous a souvent fait sourire dans des situations où la frousse lui faisait prendre de drôles d'airs… C'est d'ailleurs avec un chapitre regroupant ses plus grands frissons qu'Hulot débute ce livre : le survol de la rivière Li Jiang en ULM, le ciel de Moscou aux commandes d'un avion de chasse, la rivière Lhassa à bord d'une barque en peau de yack, sa rencontre avec les gorilles dans les pas de Diane Fossey…
Alors que les sensations fortes d'Hulot sont son lot quotidien depuis 87, changement de cap en 95 avec Okavango et l'idée de visiter un continent par an pour "faire l'inventaire des merveilles que le troisième millénaire s'apprêtait inéluctablement à détruire"… L'Afrique est à l'honneur pour débuter : le Kenya, l'Ethiopie, Zanzibar, la Tanzanie, l'Ouganda, la Namibie, le Botswana, le Zimbabwe, le Mozambique, Madagascar… En 98, fini l'insouciance des premières heures, place à la conscience avec un troisième chapitre consacré aux merveilles si fragiles de notre planète. Les fonds marins de Palau, l'exemple du Costa Rica et de Belize en matière de protection de l'environnement, les beautés des Bahamas, les derniers hommes libres d'Amazonie…
Au fil des pages, on parcoure le monde, on partage le destin hors norme d'Hulot et on palpe la gratitude qu'il éprouve à l'égard de toute l'équipe Ushuaïa, de ses amis explorateurs, des scientifiques qui ont partagé dans l'ombre cette aventure avec lui.
L'émerveillement est bien le premier pas vers le respect…