Par Ilaria Tonti
Posté le 24 avril 2021
À l’ouest de la Sicile, entre Trapani et Marsala, l’archipel des îles Egades est une invitation à plonger dans les eaux limpides de la Mer Tyrrhénienne. Favignana, la majeure des trois îles, recèle des trésors : un paysage méditerranéen préservé, des criques dignes d’un repérage cinématographique, des habitants accueillants et chaleureux, des plats généreux et colorés et du soleil 300 jours par an.
Un coup de pinceau n’aurait pu mieux faire ce que la Nature a si parfaitement conçu… Favignana est une île à la beauté intacte, sauvage, parfois aride - balayée par les vents comme celui dont elle tire son nom, le « favonio » - et malgré cela, elle est loin d’être une contrée inhospitalière. La main de l’homme s’y est discrètement posée façonnant le paysage dans le respect de son environnement. Exemple magistral de cette œuvre de « domestication » : les murs de pierres sèches. Ils courent tout au long de l’île : ils séparent les lieux, ornent les maisons, délimitent les routes, servant de repères à la nuit tombée. Nous les avons suivis pour aller à la rencontre de l’île et de ses acteurs durables.
À notre arrivée sur l’île, les propriétaires de notre appartement, Maria et Andrea, sont au port avec leur voiture pour embarquer nos bagages. Deux VTT nous attendent fiers devant la boutique du « Noleggio Rita ». Nous enfourchons les deux roues et suivons attentivement nos hôtes, en essayant d’imprimer le trajet qui nous ramènera à la maison. Plusieurs virages et un carrefour nous en séparent, puis la silhouette d’un phare nous annonce la mer, et l’asphalte cède le pas à un chemin de terre caillouteux. Entre deux soubresauts, enveloppés dans un tourbillon de poussière, dans le murmure des vagues, nous apercevons l'appartement Gabbianella, une maison peinte en blanc, simple et belle dans sa candeur, solitaire face à la mer. Nous en sommes immédiatement conquis. Nous refaisons à voix haute le parcours à rebours avec Andrea. Nous sommes confiants, le phare nous guidera.
Photos Sources: Appartament Gabbianella
Première étape : une visite insolite, un « jardin impossible ». Fruit de la passion et de la ténacité de Maria Grazia Campo, un jardin souterrain de 4000 m² surgit des entrailles de la terre, non loin de la splendide crique du « Bue Marino ». L’histoire de ce jardin est étroitement liée à celle de Favignana, en effet il se trouve à l’intérieur des carrières de pierre qui ont été pendant longtemps une source économique importante de l’île. Là où tout était ruine et abandon, Maria Grazia a apporté beauté et émerveillement.
Un dénivelé de plus de 20 mètres et un dédale de tunnels, grottes et ponts suspendus constituent la scénographie naturelle d’un jardin d’Eden abritant plus de 300 espèces botaniques. De quoi rester ébloui et infiniment reconnaissant face à l’explosion de couleurs et de parfums, et surtout face au dévouement et à l’amour avec lequel Maria Grazia prend soin de son bijou, jour après jour, depuis plus de quarante ans.
Photo Sources: Villa Margherita
La mer nous appelle de manière irrésistible : nous arpentons l’île en long et en large et plongeons dans toutes les tonalités de bleu. Lors des rares incursions dans le village, nous apprenons qu’il existe un centre de sauvetage de tortues de mer géré par l’Aire Marine Protégée des Iles Egades ainsi que par deux associations écologistes, Legambiente et WWF Italia Onlus. La responsable nous explique que depuis sa création en 2015, le centre a soigné 86 tortues, presque toutes de l’espèce Caretta caretta, victimes du fléau du plastic en mer.
Photo Sources: AMP Isole Egadi
Nous apprenons également qu’un des locaux du centre se trouve dans l’ancien établissement de stockage et de travail du thon, la célèbre « Tonnara Florio », qui a fait la réputation de l’île. Exemple remarquable d’archéologie industrielle, l’établissement est aujourd’hui à la fois un musée archéologique et un musée dédié à la pêche et au travail du thon. Nous réservons immédiatement une visite et avons la chance de tomber sur un guide exceptionnel, Maria Guccione. Enchantés par ses récits et par ses mots, si touchants et évocateurs des sacrifices et des peines endurées par ses pères, elle nous laissera un souvenir indélébile de Favignana.
L’eau nous monte à la bouche lorsque Maria nous décrit le goût incomparable des thons issus de la pêche à la « mattanza », une pratique malheureusement en voie de disparition aujourd’hui. Boutargue, ventrèche, « tarantello »… Quelle danse de saveurs ! Autant de délices que Maria, ancienne propriétaire du restaurant le plus renommé de l’île, connaît et sait cuisiner à la perfection. Nos cadeaux de vacances sont donc tout trouvés : du thon et ses « dérivés », que nous allons déguster et acheter dès le lendemain chez deux producteurs AOC : la boutique de Mr La Torre dans la rue principale du village et la boutique/laboratoire de Mr Rallo, en dehors du centre-ville.
Photo Sources: ASTOR - Il Tonno Rosso di La Torre Giuseppe & C. SAS
A mesure que nous nous attachons aux paysages de Favignana et à ses eaux limpides, nous tombons éperdument amoureux de sa cuisine. Les bons restos, ce n’est pas ce qui manque sur l’île, mais au fil des jours, nous découvrons quatre véritables fleurons de la gastronomie durable. Pour les soirées « en ville », deux adresses rivalisent à peu de distance. Les recettes de la tradition sicilienne, transmises depuis des générations, font la force de « El Pescador », sur la Piazza Europa. Incarné par Rosa et Pasquale, ce restaurant constitue le plus bel hommage à la pêche durable de Favignana depuis 1974. « Quello che c’è c’é », quant à lui, est une sorte de déclaration d’amour à l’île, à ses pêcheurs, ses poissons, mais également à ses landes dépouillées et à ses animaux en liberté. Des produits locaux et de saison, travaillés avec simplicité feront toute la différence dans votre assiette !
Deux autres adresses incontournables offrent l’avantage d’une vue spectaculaire sur les îles de Marettimo et Levanzo et utilisent essentiellement les produits de leurs propres fermes. Chez « Cibo, chiacchiere e vino », respirer, contempler er savourer la mer ne font plus qu’un. La carte riche et variée de plats siciliens fait l’éloge du terroir sans concession. Ici, les mots frais, naturel, bio, commerce équitable, saison, tradition, respect, nature sont tout sauf un concept vague. Enfin, l’« Agriturismo l’Alencio » est surtout réputé pour ses viandes, élevées localement. Mais ne vous y trompez pas!, cela ne veut pas dire pour autant que vous n’y trouverez pas aussi un délicieux couscous de poisson, un tartare de thon qui fond dans la bouche, ou des « spaghettis au phare » qui font rêver rien qu’à y penser. Voilà le piège !
Photo Sources: Agriturismo Alencio
Petit conseil : éviter les mois de juillet/août à cause de la forte affluence.
Hospitalité familiale au coeur du village par un couple sensible à l’éco-tourisme. Les petits-déjeuners à base de produits maison et de spécialités locales vous feront sauter du lit le matin. Plusieurs chambres avec jardin.
+39 340 2524766
https://www.algiardinodeilimoni.it/it/index.asp?pag=home
Vicolo Domenico Cimaros, Favignana, 91000, Sicilia, IT