Île de Levanzo : mer et silence au large de Trapani en Sicile

Combien de fois avons-nous rêvé de nous échapper de la ville, de fuir la civilisation, nous envoler vers des contrées lointaines : des îles perdues au milieu de l’océan, des landes désertes, voire des galaxies inexplorées. À deux pas de la ville de Trapani, l’île sicilienne de Levanzo offre la possibilité de vivre une expérience riche et inédite, loin du tourisme de masse.

En 20 min chrono, le bateau rapide (aliscafo) de la compagnie Liberty Lines vous dépose à bon port. Levanzo est la plus petite île de l’archipel des Egades, et la plus proche de Trapani, sur la côte ouest de la Sicile. Les touristes s’y arrêtent rarement, attirés par la plus vivante Favignana, et, lorsqu’ils le font, ils repartent le soir le plus souvent. La raison de ces visites éclair, c’est qu’on a soi-disant vite fait le tour, autrement dit, il n’y a pas grand-chose à faire. Or, c’est précisément ce supposé rien que Levanzo nous invite à explorer, non pas de façon philosophique, mais bien par nos propres sens

À Levanzo, on se reconnecte avec les éléments et on vit au rythme de la communauté locale

Une surface de 6 km², deux bars/restaurants, une boulangerie/épicerie, deux magasins de souvenirs et quelque 80 habitants : tels sont les chiffres de Levanzo. Le soir, on peut aller d’un café à l’autre parcourant le front de mer du minuscule village, ou alors contempler les bateaux amarrés dans le port. Pendant la journée, selon la saison, on peut se baigner dans les criques qui ponctuent la côte, ou se promener parmi les agaves et les pins en direction du phare ou du Mont Pellegrino. Si l’on veut, on peut descendre jusqu’à la « Grotta del Genovese » et jeter un coup d’œil aux graffitis préhistoriques. À Levanzo, il n’y a pas besoin de faire quelque chose. Levanzo est un enchantement en soi.

Peu de jours au printemps ou hors saison suffisent pour se ressourcer proprement. Soudain, le temps s’arrête et le stress disparaît. Petit à petit, la vie du village prend le pas sur ses propres habitudes : le rendez-vous avec le poisson frais de Paolo, les balades de Pietra en quête d’asperges sauvages, l’apéro du soir à la boulangerie de Mr Campo avec vue sur le village, les baignades la nuit, la musique au port. Et voilà qu’on est vite « pris au jeu » et deux jours ne suffisent plus…

Photo Sources: Ania Mendrek

Dormir au village, réveillés par le premier « aliscafo », ou bien à la campagne, bercés par les cigales…

Parmi les différentes possibilités d’hébergement présentes sur l’île, deux adresses ont retenu notre attention. Pour tous ceux qui souhaitent profiter des beautés de la nature, direction « L’Isola Residence », au-dessus du village. Sur la plaine de Levanzo, où la riche famille Florio exploitait des vignobles autrefois, une ancienne bâtisse qui servait d’abri pour les travailleurs saisonniers a été transformée en sept charmants appartements, entourés d’un jardin luxuriant. Une piscine, copiée sur le modèle d’un ancien « impluvium » pour irriguer les champs, s’intègre parfaitement dans le paysage, offrant détente et fraîcheur pendant les chaudes journées d’été. Vers 18h, Maria et Walter sont ravis d’échanger avec leurs hôtes autour d’un apéritif, offert par la Maison. Un espace commun équipé d’une cuisine est également proposé à l’extérieur pour partager des moments conviviaux.

Si, au contraire, vous préférez vivre au rythme de la communauté locale, direction « Le case di Pietra », au cœur du village. La cinquantaine, Pietra, Piera pour les amis, a fait le choix de déménager à Levanzo il y a dix ans. Attachée à l’île depuis son enfance, passionnée par son métier et ouverte aux échanges, Piera vous initiera à tous ces petits riens qui font l’unicité de Levanzo. Car Piera vit à Levanzo toute l’année et a appris à aimer chaque pierre, chaque parfum, chaque couchant, chaque silence de son île. En été comme en hiver, elle vous accueille(ra) dans des appartements simples et propres, agrémentés d’une petite véranda pour dîner en plein air. N’oubliez pas qu’en février c’est déjà le printemps… Si par hasard les deux restaurants sont fermés, ce qui arrive rarement, Petra est toujours disponible pour vous dépanner avec une pasta maison.

Levanzo promet d’étonnantes découvertes à pied, dont un trésor gardé secret depuis la Préhistoire…

Sur ses conseils, vous pourrez partir tout seul.e à la découverte de Levanzo à pied. En effet, pas d’asphalte et très peu de véhicules motorisés sur l’île. En alternative, vous pourrez faire appel aux services de Nanni Di Falco, président des guides de randonnée AIGAE de Sicile (Associazione Italiana Guide Ambientali Escursionistiche). Bien qu’il n’habite pas sur place, il fera tout pour vous trouver un guide professionnel qui convienne à vos besoins.

Parmi les différents itinéraires possibles dans l’archipel des Egades, vous aurez le choix entre le tour complet de Levanzo, le versant Est et Ouest de Favignana, ou les nombreux sentiers balisés de Marettimo, la plus verte et montagneuse des trois îles.

Photo Sources: Fulvio Spada Photo Sources: Sicilia in Cammino

Natale Castiglione, quant à lui, est un « levanzaro » AOC et sera ravi de vous guider à la découverte de la célèbre « Grotta del Genovese ». Exemple unique en Italie, rivalisant d’importance avec Altamira et Lascaux, cette grotte a la particularité de rassembler dans un même lieu des manifestations de deux époques différentes de la Préhistoire : des incisions du Paléolithique Supérieur et des peintures du Néolithique Supérieur. Natale nous a expliqué qu’à cette époque Levanzo formait avec Favignana et Marettimo une vaste prairie rattachée à la ville de Trapani, d’où la représentation de bœufs, équidés et cerfs. La présence d’obsidienne témoigne, en revanche, des échanges importants avec l’île de Lipari.

Chasse au trésor sous la mer

L’Histoire a laissé des traces également sous la mer. Cala Minnola est précisément l’endroit où a eu lieu la bataille des Egades en l’an 241 av.J.-C. Les Romains l’avaient alors emporté sur les Carthaginois, mettant fin à la première guerre punique. Aujourd’hui, les rostres des navires ainsi que les casques et épées de l’équipage se trouvent au musée archéologique de Favignana. En revanche, c’est à Levanzo qu’on peut visiter un site archéologique sous-marin unique en son genre. À 40 mètres de la côte, des amphores géantes ont été retrouvées au même endroit. Elles servaient à transporter le poisson salé et surtout le « garum » (sorte de pâté de poisson très apprécié à l’époque romaine) venant de l’établissement de salaison situé à proximité, et à propos duquel le professeur français Emmanuel Botte a mené des recherches passionnantes.

Pour explorer ces fonds marins chargés d’Histoire, rien de mieux que de faire appel à « Atmosfere blu » de Giuseppe Pisciotta. Pêcheur sous-marin dans une vie précédente, Giuseppe a épousé la cause de la mer depuis qu’il a quitté Palerme pour Levanzo et organise désormais des tours sous-marins et de la plongée en surface, à la découverte de la flore et de la faune aquatique de l’île. Pendant notre séjour, il nous a montré murènes et algues marines et nous a sensibilisés à la question environnementale en nous expliquant les effets du changement climatique en Méditerranée, notamment suite à l’ouverture du Canal de Suez en 1870.

Dans une ambiance plus décontractée, Mauro Chimieri vous fera découvrir chaque crique. Le tour de l’île proposé par « Levanzo, l’isola che non c’è » sera ponctué de nombreux arrêts pour plonger dans les eaux cristallines de Levanzo, avec en plus une dégustation d’oursins fraîchement pêchés, véritable point fort du tour. Pour se détendre, rien de tel que de contempler le paysage et les mille et une nuances de bleu sur une musique jazz en toile de fond. Les teintes douces et la poésie du couchant feront le reste.

Plaisir de la table, de la mer à l’assiette

Qui dit couchant, dit apéro, même s’il faut reconnaître que cela serait dommage de ne pas profiter jusqu’au dernier rayon de soleil. Alors, on fait volontiers l’impasse sur l’apéro et on passe directement à table, celle du restaurant « L’Arcobaleno », bien sûr. Bar, tabac, café et glacier à la fois, « L’Arcobaleno » est surtout un excellent restaurant de poisson, ou mieux une « trattoria de la mer » comme l’indique son enseigne inscrite sur une jolie barque bleu et blanc. Les végétariens trouveront également de quoi se réconforter, notamment avec une « caponata », sorte de ratatouille à la sauce sicilienne. Inutile de dire que tout est fait maison, mêmes les glaces, granitas et autres pâtisseries.

Enfin, cela vaut la peine de citer la boutique d’art et d’artisanat « Mannarao’ ». Vous y trouverez entre autres des photographies en édition limitée de l’artiste Nino Liveri. De quoi rapporter chez vous un souvenir tangible du séjour et de raconter celui-ci en images, car parfois les mots font défaut pour restituer tant de beauté…