« L’Affaire du siècle » : l’État français condamné pour son inaction climatique

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Par Sophie Squillace

Posté le 4 février 2021

Photo Sources: Thomas SAMSON / AFP.

Le tribunal administratif de Paris a jugé l'État français « responsable » de manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique. Inédite en France, cette décision marque un tournant historique quant à la considération juridique de l’urgence climatique.


Les ONG à l'origine de « l'Affaire du siècle » retiendront la date du 3 février 2021 comme le jour où la justice française a donné raison à ceux qui alertent sur la crise climatique depuis des décennies !

La justice devient l’arme du climat

Notre affaire à tous, Greenpeace, Oxfam et la Fondation Nicolas Hulot, les quatre associations réunies sous la bannière « l’Affaire du siècle » avaient lancé une pétition en mars 2019 ans pour dénoncer l’« inaction climatique » de l’État. Cette initiative d’envergure, soutenue par des artistes et youtubeurs, s’inspire d’une action précédente aux Pays-Bas en 2015 où la justice a ordonné à l’État de réduire davantage ses émissions de gaz à effet de serre. Après avoir recueilli 2,3 millions de signatures, « l’Affaire du siècle » avait déposé un recours devant le tribunal administratif de Paris pour « carence fautive » de l’État en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Pour rappel, l'État français s'était engagé, dans le cadre de l'accord de Paris de 2015, à diminuer de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à leur niveau de 1990 et à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Par cette décision historique, la justice administrative reconnaît que l'État n'a pas tenu ses engagements à respecter le budget carbone et accorde un euro symbolique aux quatre ONG impliquées, au titre du préjudice moral. « Je pense que la justice joue pleinement son rôle : celui de rappeler au gouvernement que, lorsqu'il se met lui-même des obligations, il est tenu de les respecter. » souligne Clément Capdebos, avocat de Greenpeace France.

Elle rejette toutefois la demande de réparation d'un euro symbolique au titre du préjudice écologique, pour des raisons d'ordre juridique sur la nature des réparations exigibles. Enfin, le tribunal administratif de Paris s'accorde un délai de deux mois avant de décider, ou non, d'enjoindre à l'État d'agir pour respecter ses engagements en matière climatique. Le tribunal souhaite attendre la décision du Conseil d'État face à un autre procès impliquant le gouvernement français dont nous vous parlions au mois de novembre ici.

Révolution climatique ?

Si le tribunal administratif de Paris décide de ne pas prendre de mesure d'injonction, alors la bataille continuera et les associations de « l'Affaire du siècle » auront la possibilité de faire appel. Dans le cas contraire, le juge pourra obliger l'État à tenir son budget carbone, et le faire revenir devant lui pour que ce budget soit respecté. Ce jugement historique pourrait ouvrir la voie à de nouveaux recours juridiques pour les victimes du changement climatique.

Cécile Duflot, directrice d’Oxfam France, rappelle que son ONG fait partie d'une organisation internationale, et que le monde entier regarde ce qu'il se passe. Que l’État français soit condamné aujourd’hui pour inaction climatique, cela a une influence sur la décision des autres dirigeants, notamment en Europe. Enfin, au-delà des avancées juridiques, il y a l'enjeu médiatique, celui de la sensibilisation du public au combat climatique, voilà l’affaire du siècle !