Stéphanie Ledoux et Alexandre Sattler : "Sortir de chez soi, ça a un côté thérapeutique"

Interview voyage

Par Laetitia Santos

Posté le 13 septembre 2021

Photo Sources: Alexandre Sattler.

Seconde partie d'un entretien en compagnie de Stéphanie Ledoux et Alexandre Sattler où l'on aborde l'uniformisation des cultures en Namibie, le concept de living museum, des curiosités botaniques et autres ciels étoilés. Instant de voyage bienfaisant en mots et en images.


1ÈRE PARTIE DE L'INTERVIEW AVEC STÉPHANIE LEDOUX ET ALEXANDRE SATTLER POUR CEUX QUI L'AURAIENT LOUPÉE, À RETROUVER JUSTE ICI : "ON SAIT LE QUOTIDIEN INTENSE ET LIBRE DU VOYAGE ET POURTANT, NOUS AVONS ÉTÉ DANS CETTE PRISON MENTALE"

Si vous aviez une rencontre coup de cœur, l’un et l’autre, ce serait laquelle ?

Steph : « Moi je sais ! Lors de mon précédent voyage en Namibie en 2014, j’avais adoré la façon d’être du peuple San, les Bushmen. Je les trouve drôles, plein d’autodérision, joyeux, tournés vers l’autre. C’était notre premier contact avec une tribu après trois semaines de désert et de nature. Forcément, nous avions très envie de contact humain. Nous avons visité un village fait pour les touristes appelé living museum. Les San ne sont pas très bien intégrés dans la vie moderne namibienne, ils ont des difficilutés dans la transition entre leur mode de vie traditionnel de chasseur-cueilleur et le mode de vie d’aujourd’hui où ils ont pour interdiction de chasser. Ces living museum permettent donc notamment aux San de présenter aux touristes leur mode de vie traditionnel : leurs habits, leur habitation, leurs méthodes de chasse, l’artisanat, la pharmacopée, la cueillette, etc. Et nous sommes tombés sur un living museum avec un guide que j’ai adoré : quelqu’un de très joyeux et qui adore partager sa culture. J’ai d’ailleurs posté plein de petites capsules de toutes les punchlines qu’il nous a faîtes ! Il était d’autant plus en feu qu’en ce moment, ils ne voient pas beaucoup de touristes… Sa personnalité m’a rappelée à quel point j’adore les San. »

Alex : « C’est vrai qu’il était très drôle, très léger, jovial et bout-en-train. Sa manière de s’exprimer faisait rigoler. Il était vraiment chouette ! Pour ma part, plus qu’un rencontre, s’il y a quelque chose qui m’a marqué sur ce voyage, ce sont les effets parallèles du covid sur les populations locales. On a vu à quel point c’était un manque à gagner pour eux et combien ils se retrouvent en grand nombre sans aucune ressource. Souvent, il y a un membre de la famille qui travaille dans le tourisme et qui ramène les revenus de toute la famille. Un mot revenait souvent : "I’m struggling", littéralement "je lutte". On s’est aperçu qu’ici, les gens ne meurent pas du covid directement mais de faim. Plus personne ne voyage en Namibie. Alors au début pour nous, c’était incroyable car habituellement, c’est un pays extrêmement touristique. Mais si une rencontre m’a marquée, c’est celle de cette femme sur la route, seule au milieu de nulle part, sans eau, sans nourriture, ses chèvres s’étaient faîtes manger par un lion.... Une image qui fait prendre conscience de la dureté de la réalité que vivent les gens dans certaines parties du monde. Nous avions tendance à idéaliser notre expérience et il y a eu cette réalité prégnante et marquante qui nous a rattrapée, d’une vie pas simple où l’on n’a pas de quoi se nourrir, ni même boire quelques fois... »

Steph : « Oui… Alors en faisant les courses, on se retrouvait à prévoir des choses pour ceux qu’on rencontrait sur la route et qui n’avaient pas à manger tant c’était fréquent. Parce qu’après une rencontre, combien nous ont demandé si nous n’avions pas des restes parce qu’ils avaient faim… »

Alex : « Une autre scène de vie qui m’a marqué, c’est lorsque l’on s’est perdu avec le 4X4. Nous avons aperçu un panneau école, nous avons suivi la piste durant quelques kilomètres avant d’arriver dans une école au milieu de nulle part. Il y avait des cases en tôle, pas de profs, mais des élèves. Par terre, des cosses de palmiers rongées. Elles l’étaient parce que c’est la seule chose qu’ils avaient à manger. C’est là qu’on a compris qu’ils étaient littéralement en train de crever de faim. Alors on a sorti ce qu’on avait dans la voiture à savoir des sacs de farine de maïs et là, on a assisté à une scène surréelle : des images dignes de celles que l’on voyait à la télé quand on était gamins et que les aides alimentaires arrivaient en camion en Somalie avec des queues sur des centaines de mètres. Chacun est parti chez lui prendre des boîtes de conserve afin de récupérer un peu de farine. Et puis ils sont rapidement rentrés chez eux pour se faire un repas. Ils n’avaient en fait pas mangé depuis plusieurs jours. »

Steph : « Oui, une semaine qu’ils n’avaient pas eu un vrai repas… Ce qui fait de la peine, c’est qu’on peut apporter un peu de réconfort immédiat mais ça ne règle évidemment pas le problème. »

Alex : « Ça nous a vraiment touchés car nous avions envie d’aider mais en même temps, il n’y a aucune pérennité dans ce que l’on a fait, on se sent totalement désemparé. »

Pas de pérennité mais un soulagement ponctuel à ce moment là sans aucun doute… Si on en revient à ces living museum qui les aident à vivre en partie, quel regard portez-vous dessus après ce voyage ?

Alex : « Il y a différentes manières d’aller rencontrer les tribus : en allant directement dans le village, de manière un peu frontale. Ça nous le déconseillons vraiment parce que nous n’avons pas les codes, on ne sait pas comment interagir avec les tribus. Il y a de quoi se sentir mal à l’aise et eux vont se dire "Mais attends, qu’est-ce que je vais faire avec ce gars là ?!" »

Steph : « Ça revient à s’inviter chez les gens en fait ce qui n’est finalement pas très poli… »

Alex : « C’est ça ! Mieux vaut voyager avec un guide plutôt, qui connaît la langue et les codes et peut faire le lien, ou alors aller dans un living museum. Ce sont des lieux fondés par une ONG allemande où les peuples peuvent présenter leur culture et leurs traditions et répondre à nos questions. Il y a un prix d’entrée, puis il suffit de choisir les prestations. Après ça, les échanges sont simples et sains. On peut prendre des photos de manière assez libre, on peut parler en anglais et avoir des réponses aux questions. C’est un super concept à mon avis pour préserver la culture des peuples. »

Steph : « Ça bénéficie directement aux communautés. Je n’étais pas spécialement pour au début, j’idéalisais le voyage au cœur des populations. Les living museum me semblaient factices avec une tendance à la folklorisation. Et puis j’ai testé l’autre manière de faire et constaté les dégâts faits par le tourisme de masse. Pour le touriste lambda qui arrive dans un village muni d’un appareil, l’échange tourne très vite court avec ces tribus et les Himba en ont marre de se voir mitrailler comme des bêtes de foire sans qu’il y ait trop d’échanges. Et avec le temps s’est instauré un rapport d’argent. Donc souvent ça ne tourne pas bien, ça peut gâcher l’expérience… Finalement, dans ces living museum, la question de l’argent est réglée dès le début, après on n’en parle plus. Et puis on tombe sur des gens disponibles, qualifiés pour nous montrer les choses, et qui sont en plus dans une envie de partager leur culture parce qu’on ne les dérange pas soudainement. »

Ça me semble essentiel ce témoignage que vous apportez par rapport à ces living museum et la façon d’aller rencontrer ces peuples avec justesse. On pourrait voir ça comme un "attrape-touriste" mais ça semble au contraire vraiment bénéfique d’après vos dires... Par rapport à leurs traditions justement, avez-vous observé un recul l’un et l’autre depuis vos précédents voyages ? La modernité a-t-elle pris le pas sur le traditionnel ? Et si oui, ces living museum correspondent-ils toujours à la réalité des tribus ?

Alex : « Nous avons retrouvé des personnes rencontrées lors de précédents voyages pour les photographier à nouveau. En deux-trois ans, les coupes de cheveux traditionnelles ont disparu par exemple. Steph était allée dans une école il y a sept ans : les enfants n‘y portaient pas d’uniforme alors qu’aujourd’hui, c’est obligatoire. Il y a une forme de modernisation qui est à la fois une bonne chose mais en même temps une volonté d’uniformiser les différents peuples et traditions via le système éducatif. Quelqu’un nous a fait remarquer que d’ici une vingtaine d’années, les Himba auront certainement tous des t-shirts. Donc en peu de temps en effet, les traditions tendent à disparaître. Et c’est là où les living museum sont importants : ils préservent le savoir-faire et le savoir-être des tribus. Mais tout dépend des villages : par exemple nous avons visité un living museum chez les Damara qui faisait davantage village folklore que chez les Himba. Peut-être parce qu’ils sont plus détournés de leur mode de vie traditionnel que ne le sont les Himba… »

Steph : « Ils ne mentent pas sur leur mode de vie. On sait qu’ils vivent en t-shirt et baskets et qu’ils nous représentent leur mode de vie à l’ancienne. D’ailleurs il y a souvent à la carte une prestation de visite du village moderne pour que les gens puissent se rendre compte de l’écart entre les deux. Mais malgré le jeans - t-shirt, en discutant avec eux, on s’aperçoit que leur culture est encore très vivace. Les livingm museum aident sans aucun doute à faire vivre la pharmacopée traditionnelle, la cueillette, l’artisanat… Tout ça aurait peut-être déjà disparu sinon. »

Alex : « Chaque ethnie ne s’est pas faîte absorber de la même manière par la société moderne. Les Himba restent habillés comme on le voit sur les images. »

Steph : « Les femmes plus que les hommes. Elles sont très attachées à la tradition et ne veulent absolument pas passer à la modernité. Quand le guide nous disait que dans 20 ou 30 ans il n’y aurait plus rien, je pense qu’il y a plusieurs contextes. L’école en milieu tribal a un grand rôle à jouer avec du positif et du négatif : l’école éduque les élèves alors qu’il y en a plein qui sont déscolarisés parce que plus important de garder les troupeaux que de s’instruire. D’un point de vue confort de vie, on peut penser qu’ils n’évolueront pas et continueront à vivre dans des conditions assez difficiles. Et à côté de ça, l’école ne les oblige pas à abandonner les parures traditionnelles mais disons que le regard de leurs copains uniformisés fait que ceux qui ont encore leur coiffure traditionnelle tendent à l’enlever pour gommer leurs différences et s’intégrer. Et bien évidemment, ceux qui sont passés modernes ne font pas machine arrière… »

Au contact de ces parures, de ces coiffes, de ces matières et de ces couleurs, quelle inspiration avez-vous pioché chez ces tribus ? Y a-t-il des choses spécifiques à la Namibie qui se retrouvent dans votre travail ?

Steph : « Pour moi c’est un peu tôt pour le dire. Je suis encore en phase de décantation. Comme à chaque voyage, j’ai des images fortes en tête qu’il me tarde de mettre sur la toile. Mais en terme de technique, j’ai ramené de l’ocre que l’on est allé chercher directement dans la carrière et que les femmes ont écrasé devant nous pour en faire une poudre très fine. J’ai pour projet d’essayer de faire de la peinture à base de ce pigment naturel. »

Alex : « De mon côté, j’ai envie de créer un voyage photo. Je voulais découvrir différents biotopes avec ce voyage. On me demande régulièrement de partir à mes côtés mais j’aurais trop l’impression d’instrumentaliser les personnes photographiées et ça, je n’en ai pas du tout envie. Mais la Namibie se prête bien à un voyage photos parce qu’il y a beaucoup de paysages et ça, ça ne me pose aucun problème. Et pour l’humain, grâce aux living museum, on peut vivre des immersions même si elles sont un peu convenues… »

Il me semble que vous avez eu des rencontres animalières un peu cocasses aussi…

Steph : « Il y a une facilité pour rencontrer la nature en Namibie qui est hors norme. Rien que sur le tarmac de l’aéroport, il y avait plein de gros papillons et de gros scarabées et je ramassais déjà des bestioles ! (rires) Et sur la route en quittant l’aéroport nous avons vu des girafes ! C’était vraiment un des fils rouges du voyage. Le fait d’être en self drive nous a permis de voir beaucoup de faune. »

Alex : « On a beau savoir que ça existe, quand on voit ces animaux on est comme un enfant, on est émerveillé. »

Steph : « J‘ai adoré le fait d’être en self-drive, ça nous a permis de trouver cette faune par nous-même, de ne dépendre de personne. J’ai eu une émotion assez forte en arrivant dans un endroit où il y avait des éléphants du désert. On savait qu’ils étaient dans le lit asséché de la rivière, on y est allé avec le 4x4 et nous les avons trouvé seul. Ce sont des sensations fortes, à l’opposé de ce qu’on vivait confiné en France ! »

Il y a eu cette petite capsule vidéo diffusée où l’on vous voyait avec un rhino s’approchant très près de votre véhicule. Vous êtes-vous sentis sereins à ce moment-là ?

Steph : « Alex n’était pas serein du tout ! (rires) »

Alex : « C’est gros un rhino, en vrai ! Il s’approche, avec sa grosse corne, en nous regardant : je n’étais pas rassuré, c’est vrai ! Je n’avais rien d’autre à faire que de retenir ma respiration. On savait qu’on vivait une situation exceptionnelle mais potentiellement dangereuse. On était ignorant face à cette situation et au comportement animal. Quand nous avons montré la vidéo à un ranger ensuite, il nous a suggéré de faire plus attention ! (rires) »

Steph : « Il y a un truc qui a beaucoup réveillé mon âme d’enfant, c’est d’avoir appris à pister les animaux aux côtés des rangers. On cherchait les empreintes au sol, on apprenait à les dater, à savoir comment remonter la piste, trouver des crottes et les identifier… Nous avons remonté des traces de lion jusqu’à trouver les empreintes nous disant qu’ils s’étaient enfuis en courant pour ne pas nous voir ! Quand on trouve les animaux par soi-même, c’est tellement plus gratifiant... »

Alex : « Pensez juste à ne pas avoir d’oranges dans votre tente car les éléphants aiment bien ça ! En self-drive, il faut éviter de sortir des pistes. À chacun de se renseigner sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire pour rester en sécurité. »

Racontez-moi un peu vos soirées autour du feu, vos nuits à la belle étoile…

Alex : « Stéphanie, elle dort en général quand on est autour du feu ! (rires) Blague à part, ce qui m’a marqué ce sont les ambiances sonores. Quand il fait sombre et que la vue n’est plus sollicitée, l’auditif prend le dessus. Chaque soir, nous étions bercés par une ambiance sonore différente. C’est magique et ça ne s’observe qu’en self-drive puisque tu ne dors pas à l’hôtel qui te coupe de cette dimension sacrée. On s’endormait très rapidement tant il y avait beaucoup de sérénité autour de nous, et la plus belle berceuse du monde. »

Steph : « Ce qui est étonnant finalement, c’est la qualité du sommeil qu’on peut avoir : en tant que citadins dans une nature immense, sauvage et peuplée de bêtes dangereuses, on se sent pourtant en sécurité. C’est paradoxal ! Cette tente qui est posée sur le toit, ça fait vraiment un cocon en hauteur dans lequel on se sent à l’abri. Et puis ces ciels incroyables qu’on ne voit que dans le sauvage, hors des villes, avec des voies lactées merveilleuses… »

Alex : « Il n’y a pas cette pollution lumineuse comme en Europe. À une époque j’aimais faire des photos des étoiles et je cherchais des ciels purs. Mais c’est très difficile de trouver un endroit sans phares de voitures au loin, sans un avion dans le ciel… Et puis finalement, on n’a pas fait tellement de feux. On était souvent crevé de nos journées et il fallait beaucoup d’énergie pour chercher du bois et faire le feu. »

Steph : « On avait un pic d’excitation au moment de la golden hour, l’heure où la lumière est très belle et ensuite on était KO ! (rires) »

Alex : « On se levait très tôt aussi, en même temps que le soleil... »

Quelles petites bestioles ou espèces végétales avez-vous tout particulièrement observé, dessiné, photographié ?

Alex : « Je me rappelle mes cours d’écologie durant lesquels une prof de botanique nous parlait d’une plante endémique de Namibie, le Welwitschia. C’est une plante qui peut avoir plusieurs centaines d’années, avec deux feuilles à croissance lente qui ne s’arrêtent jamais de pousser ! Je me suis rappelé de la photo du livre qui montrait cette plante pas très belle mais puisque nous étions en Namibie, je me suis dit : Chouette, je vais enfin découvrir la Welwitschia ! C’était vraiment la plante curieuse que j’avais réellement envie de voir. »

Steph : « Ça ressemble à une grosse salade séchée ! (rires) De un à plusieurs mètres de diamètre, avec des grosses feuilles qui n’en finissent pas de s’enrubanner et dont les extrêmes sont séchés. Ce n’est pas spécialement joli à voir. »

Alex : « C’est juste une curiosité, je n’ai pas fait de photo, à part peut-être avec l’iPhone. Il y a aussi les kokerboom ! »

Steph : « Oui, ça s’appelle aloe dichotoma, qui ressemble à un dragonnier de Socotra. Au bout de chaque branche, il y a une rosette d’aloe, et chaque branche se découpe en dichotomie. On dirait un arbre mal dessiné par un enfant, c’est très naïf comme silhouette ! Et effectivement on a eu un émerveillement dans cette forêt, comme si on était arrivé sur une planète extraterrestre ! »

Vous êtes rentrés un mois plus tard que prévu et vous avez donc voyagé deux mois en Namibie, en total liberté. Rentrer n’a pas dû être une mince affaire ?!

Steph : « On a très vite compris qu’on était l’un pour l’autre un compagnon de voyage agréable, que tout était fluide. C’était un premier point important. On a aussi rapidement compris qu’avec l’immensité du pays et tout ce qu’on voulait voir, un mois serait largement insuffisant. Comme la situation n’évoluait pas en France et que nous n’avions pas de perspective de boulot non plus, on s’est dit que nous avions tout intérêt faire durer ce moment suspendu et super productif car beaucoup de contenu produit et d’inspiration. Alors nous avons déplacé une première fois nos billets d’avion en se disant qu’on se donnait un mois de plus. On a croisé des Anglais qui s’étaient volontairement laissés coincer au Kenya il y a un an de ça : ils ont acheté un 4x4 et on poursuivi le voyage par voie terrestre, Mozambique, Zambie, Zimbabwe… J’avoue que cette perspective m’a chatouillée ! (rires) Mais finalement, l’intensité et la densité des informations et des rencontres, le rythme soutenu de l’émerveillement, ont fait que j’ai eu envie de me poser pour digérer. J’ai un processus de travail qui est très lent, j’avais peur d’emmagasiner trop et de ne rien en faire ensuite. Et puis il y a une fatigue qui se fait ressentir dû au nomadisme. Au bout d’un moment, mon atelier m’a manqué. »

Un dernier mot fort pour clôturer ces souvenirs de Namibie ?

Steph : « J’ai envie de dire qu’il commence à y avoir des arguments écologiques contre le fait de voyager, et c’est un argument c’est vrai. Mais quand on voit la souffrance générée par l’arrêt total de la filière touristique dans un pays qui en vit en grande partie comme la Namibie, il faut le prendre en compte, ça ne peut pas s’arrêter comme ça. On a été très touché par la réalité de tous ces peuples très impactés… »

Alex : « Je rejoins Stéphanie là-dessus. Parfois, j’ai l’impression d’être le mal incarné en prenant l’avion mais il y a aussi un côté bénéfique pour les populations rencontrées. Et puis les échanges, les voyages font partie du rêve de l’humanité, comme on se l’ait dit dans notre dernière interview ensemble et de laquelle tu avais extrait cette phrase. Je voudrais rajouter aussi que c’est important plus que jamais dans ce climat liberticide, de se mettre en mouvement, de s’extraire de sa routine pour se sentir vivant et vibrant. On a tellement besoin d’être mis en lien. Sortir de chez soi, ça a un côté thérapeutique. »