Par Élise Chevillard
Posté le 23 mai 2022
Au fil des cols et des vallées, les Hautes-Pyrénées se dévoilent de village en village, de sommets enneigés en vallées de velours verts. La nature y est ici au sommet. Mais ce territoire n’est pas que pics et vallées, il vit aussi au rythme des traditions pastorales vivantes et des savoir-faire pré-servés. De la vallée de Luz-Saint-Sauveur au pic du Midi, les Hautes-Pyrénées ont une belle à carte à jouer aux quatre-saisons.
Au carrefour de Barèges et de Gavarnie, bienvenue dans la vallée de Luz-Saint-Sauveur, pays de lumière et de traditions. Pour caractériser Luz en 1843, Victor Hugo écrivait ces mots : « charmante vieille ville, délicieusement située dans une profonde vallée triangulaire ou trois grands rayons de jour y entrent par les trois embrasures des trois montagnes. », qui résonnent encore aujourd’hui.
Avant d’arriver au village de Luz, la route pénètre dans la vallée du Pays Toy, une région longtemps isolée et autonome, qui a préservé son identité et ses traditions pastorales. Dans le village de Sassis, on fait de la bière, mais aussi du gin Made in Pays Toy.
Chez les Dixon, Monsieur fait de la bière, et Madame du gin. Si leur petit accent so british ne ment pas sur leurs origines, le couple de Newcastle s’est parfaitement intégré à la vie pyrénéenne. Passionnés de ski et de montagne, Paul et Nina sont arrivés ici, il y a une dizaine d’année pour ne plus jamais repartir.
Si son pays ne lui manque pas, Paul ne peut pas dire la même chose pour les bières anglaises. Alors, il a eu une idée : créer sa propre brasserie. La recette de ses bières est secrète, mais les ingrédients comme le houblon et le malt, eux, sont sourcés, origine France et Grande-Bretagne, of course. L’eau, elle, est bien locale et naturelle. L’ambrée Col du Tourmalet, la brune Lourdes, l’IPA pic du Midi et la blanche Cirque de Gavarnie… Ces noms sont autant de clins d’œil à la région d’adoption de Paul. Ce dernier fait visiter sa brasserie tous les jeudis et propose également la formule « brasseur d’un jour » pour suivre le processus de brassage étape par étape.
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Longtemps tombé dans l’oubli à l’heure de l’apéro ou du digestif, le gin retrouve un regain d’intérêt ici dans les Hautes-Pyrènes avec notamment la naissance de la distillerie d’Occitanie. L’alchimie entre les habitants du pays Toy et le gin a été immédiat, et ce spiritueux typiquement british est devenu l’alcool du moment.
Photo Sources: Élise Chevillard
Dans son petit atelier, Nina fabrique artisanalement un gin à base d’eau de source de montagne (ce qui en fait sa singularité) mélangée aux baies de genévrier et aux herbes (cardamone, orange, citron) cultivées localement. Distillé en vapeur dans un alambic de cuivre, le gin développe des saveurs et un caractère, bien trempés. Le couple fait partie d’un groupement de producteurs passionnés qui se sont fédérés autour de l'association des producteurs et savoir-faire du pays Toy. Le but ? Promouvoir une agriculture saine et responsable riche des savoir-faire ancestraux.
C’est également le cas de Sylvain, le président AOC Barèges-Gavarnie qui ouvre les portes de son exploitation de moutons pour des visites et de la vente directe. Cette race rustique et locale est aujourd’hui sauvegardée grâce au travail passionné des éleveurs qui vont perdurer les pratiques anciennes : élevage en liberté, transhumance jusqu'à 1800 mètres d'altitude. Réputé pour sa viande tendre et persillée, le mouton est fêté chaque année à la fin de l’été lors de la « foire aux côtelettes ».
En arrivant sur Luz-Saint-Sauveur, force est de constater que ce village a su garder tout le charme et l’authenticité d’un village pyrénéen, et jusque dans les assiettes. Justement, il est l’heure de passer à table, direction Luz et Coutumes, un restaurant-musée niché en plein cœur du village. Christine et son fils vous reçoivent comme à la maison, avec un bon feu de cheminée. Au fil du temps, cette ancienne brocanteuse a reconstitué la salle à manger typique du pays Toy d’autrefois, aidée par les habitants du coin qui lui ramènent de vieux objets.
Photo Sources: Élise Chevillard
Ce soir, Christine a préparé une garbure, un plat typique dont elle seule a le secret, et qu’elle sert dans de la vaisselle ancienne, qui vous rappellera celle de votre grand-mère. Sur la carte, on trouve aussi des raclettes, des fondues et autres pierrades. Dans la grange, une table a été dressée pour souper en toute intimité au milieu d’un ancien box qui servaient à accueillir les animaux de la ferme. Dans un coin, un ancien lit en bois pour enfant, vous tend les bras pour une sieste digestive. Un peu de patience, votre couche se trouve à quelques pas du restaurant.
À quelques pas de l'église des Templiers, le beau portail en ogive sonne comme une invitation à entrer. Il suffit de le pousser pour tomber sous le charme des vieilles pierres, mais aussi de Bernard et Sophie qui vous accueillent au clos de Luz. Cette ancienne abbaye du XIe siècle transformée en maison d’hôtes, retrouve aujourd’hui avec sa fonction d’accueil et renoue avec son histoire. Une histoire de famille, puisque cette maison appartenait jadis aux grands-parents de Bernard jusqu’à ce qu’ils s’en séparent.
Photo Sources: Élise Chevillard
Trente ans plus tard, le couple a racheté la maison pour la rénover, tout en la laissant dans son jus. Engagés dans une démarche éco-responsable, ils ont utilisé des matériaux naturels pour la rénovation : chaux, chanvre, bois, pierre, économiseurs d’eau... La grange abrite désormais deux gîtes. Le grand escalier dessert trois chambres spacieuses qui répondent aux doux noms de fleurs. Le matin, on descend en chausson, comme un membre de la famille ou un ami, pour s’attabler à la jolie table préparée par Sophie. Le petit-déjeuner est aussi beau que bon, confectionné avec les meilleurs produits locaux.
Ils sont la dernière filature de laine des Pyrénées à utiliser la laine des moutons du Pays Toy, et la cinquième génération. Aude et Damien ont repris le flambeau en 2015 pour perpétuer la tradition de leurs ancêtres. À Esquièze-Sère, leur atelier boutique est ouvert aux visites pour ceux qui veulent découvrir toutes les étapes de fabrication des plaids, robes de chambre couvertures et gilets, à travers une dizaine de panneaux d’interprétation. De la confection à la vente, en passant par le tissage, le grattage et le feutrage, tout se passe ici. Une fois récoltée auprès des éleveurs du coin, la laine est triée à la main selon sa qualité et sa couleur.
Photo Sources: Élise Chevillard
Sur les métiers à tisser d’un autre temps, seuls les moteurs ont remplacé l’eau qui, avant, faisait fonctionner les machines- naissent des plaids, des couettes, des ponchos, des poufs et des sets de table. La laine habille aussi toute une gamme d’accessoires (bolsters, sacs et porte-tapis) pour la pratique du yoga (la seconde activité d’Aude) et de la méditation.
Petit village de 450 âmes situé juste à côté de Luz-Saint-Sauveur, Esquièze-Sère revêt depuis peu une dimension culturelle et artistique avec l’installation d’un espace dédié à l’art contemporain. Dans l’ancienne gare du tramway Pierrefitte-Luz, Hang’Art accueille des œuvres d’art moderne provenant du Fond Régional d’Art Contemporain d’Occitanie. Les artistes exposés s’inspirent du patrimoine naturel et culturel d’altitude avec pour fil conducteur la transition écologique, le développement durable en montagne, le recyclage des matériaux utilisés.
Il est temps de quitter la vallée de Luz, pour poursuivre la route qui monte vers le toit des Pyrènes. Après deux heures, le Pic du Midi apparaît au détour d’un virage verglacé, majestueux avec ses 2877 mètres. En 2003, il a été classé site naturel national et fait partie de la collection des Grands Sites Occitanie. Chargé d’histoire et de science, le Pic du Midi est réputé pour la pureté de son air et la stabilité de son atmosphère. S’il a d’abord été une station météorologique, il a aussi été érigé dans l’espoir de conquérir les étoiles.
Avec les Cévennes, le Pic du Midi est aujourd’hui l’un des plus purs et des plus noirs de France. En 2013, il a décroché son étoile en recevant le label « Réserve internationale de ciel étoilé » (RICE). L’objectif de ce label ? Préserver le ciel et lutter contre la pollution lumineuse à travers plusieurs initiatives comme la diminution de la puissance des ampoules, l’utilisation de lampadaire qui éclaire vers le sol et de lumière jaune-orangée, mais aussi des campagnes de sensibilisation.
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Pour accéder au sommet, les plus courageux peuvent partir du col du Tourmalet (seulement l’été) pour une randonnée de 5 heures. Les autres pourront emprunter le téléphérique depuis la station de la Mongie lors d’un voyage d’une quinzaine de minutes, entre ciel et terre. Au sommet, la tête tourne un peu par manque d’oxygène et par excès de beauté.
Photo Sources: Élise Chevillard
Car la vue est imprenable sur la chaîne des Pyrénées et jusqu'aux plaines du Grand Sud-ouest qui se dessinent au loin. On profite alors des transats posés sur la terrasse aménagée pour reprendre son souffle.
Imaginez manger face à 300 kilomètres de sommets enneigés. Le nom de restaurant de haute altitude sonne comme une évidence… Le 2 877. Au menu : truite fumée de Lau-Balagnas, mouton AOC de Gavarnie-Barèges ou encore agneau des Pyrénées et gâteau à la broche. Si on retrouve des classiques de la région, le Chef Renaud Lamazère aime apporter de la surprise et de l’originalité à certains plats. Ainsi, les haricots tarbais et les fromages sont travaillés façon dessert comme ce duo de chocolat aux éclats de roquefort Papillon Noir.
Venu pour une saison en 2015, le Chef n’est jamais reparti. Ce qu’il aime avant tout, le lieu majestueux et le rythme qu’impose la cuisine en altitude. Les larges baies vitrées qui offrent un panorama exceptionnel sur la chaîne des Pyrénées sont une invitation à rester à table pour le plaisir des yeux et du ventre.
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