Voyage humanitaire

Glossaire

Par Elodie Mercier

Posté le 26 février 2021

1,6 millions de voyageurs par an choisissent la solidarité comme mot d’ordre pour leur séjour. De plus en plus fréquents, les voyages humanitaires permettent de découvrir de nouveaux horizons tout en donnant du temps aux populations locales. Cette démarche très louable sur le papier est pourtant l’objet de polémiques.


Depuis le début des années 2000 en France, on constate une forte demande des jeunes de 25 ans pour « partir faire de l’humanitaire », que ce soit en Amérique latine, en Afrique du Sud ou en Asie. Face au nombre limité de véritables missions humanitaires, des alternatives se sont développées : le voyage humanitaire ou le volontourisme, contraction de volontariat et de tourisme.

Dans le monde entier, les voyages humanitaires permettent de découvrir de nouveaux horizons tout en donnant du temps aux populations locales. Cette démarche très louable sur le papier est pourtant l’objet de nombreuses polémiques.

Qu’est-ce qu’un voyage humanitaire ?

Historiquement, le volontariat à l’international répond à un double enjeu : agir par solidarité auprès des personnes les plus vulnérables, et éduquer les personnes qui s’engagent pour en faire des acteurs de changement.

Le voyage humanitaire peut être défini comme un type de voyage au cours duquel le touriste donne de son temps au service des populations locales. Cette forme de voyage fondée sur la solidarité intervient parfois dans une situation de crise, à la suite d’une catastrophe naturelle, ou d’une guerre par exemple. Aujourd’hui, de nombreux projets visent le développement durable, conjuguant voyage éthique et préoccupation environnementale. Faire rimer vacances et bonne conscience en essayant de sauver la planète en voyageant.

Le tourisme humanitaire peut s’effectuer en autonomie, en partant avec des biens pour en faire le don, ou bien en lien avec une association locale pour donner un coup de main, ou encore en séjour organisé par des tours opérateurs. Sur le papier, un voyage humanitaire est l’occasion de mettre en œuvre un tourisme de partage, de tisser des liens humains plus authentiques, par opposition au tourisme de masse. On assigne souvent au voyage humanitaire une dimension utile et altruiste. Pourtant, au-delà des bonnes intentions des volontaires, il soulève de nombreuses questions. Quelles sont les conséquences du volontourisme ?

Voyage humanitaire : des pratiques controversées

De plus en plus de voyageurs choisissent la solidarité comme mot d’ordre pour leur séjour, espérant découvrir un pays tout en aidant les plus démunis. Mettre la main à la pâte pour s’imprégner de la culture et nouer des relations authentiques avec les habitants, c’est l’idée alléchante des voyages humanitaires.

La forte demande de ce genre de séjours a conduit à une marchandisation des missions humanitaires, bouleversant le sens même donné à l’action. Moyennant des sommes d’argent parfois importantes, des voyageurs partent pour un séjour en moyenne d’une dizaine de jours participer à des projets qui, in fine, n’ont aucun impact sur le terrain, ou pire, qui ont des conséquences néfastes sur les communautés sur place. Jouant sur la quête de sens des touristes en désir d’engagement, ces pratiques sont à l’inverse des valeurs et des principes du volontariat.

La manière la plus simple de repérer les arnaques du volontourisme ? L’argent. Une mission de volontariat est complètement gratuite, et parfois même rémunérée. Pour réaliser un voyage humanitaire, le bénévole paye sa mission !

Autre différence : les compétences. L’absence de compétences et de connaissances des volontaires questionnent aussi le sens de leur action. Tout le monde n’a pas sa place sur le terrain des ONG humanitaires. De grandes organisations essaient pourtant de dissuader le volontourisme : « l’humanitaire est un domaine complexe, avec des principes exigeants et qui requiert l’implication de personnes spécialement formées à cette fin » avertissent des campagnes de sensibilisation.

L’idée selon laquelle les ressortissants de pays développés du Nord peuvent servir les habitants des pays en développement du Sud n’est pas sans rappeler une idéologie néocolonialiste selon laquelle ces derniers auraient besoin d’une aide extérieure pour gérer les crises. Cela porte un nom : le « complexe du sauveur blanc » véhicule des stéréotypes sur l’assistanat des pays du Sud et méconnaît fortement les réalités du terrain. De plus, il fait des personnes et de leur misère une attraction touristique particulièrement populaire auprès des autres (sur les réseaux sociaux), permettant du même coup de gagner une bonne conscience.

Projects Abroad organise ainsi des voyages permettant à des jeunes dès 16 ans d’effectuer des actes médicaux sans aucune qualification, ce qui semblerait une aberration en France. L’organisation est par ailleurs largement pointée du doigt pour faire de la solidarité un business fortement lucratif. Sans oublier que les missions pourraient être effectuées par la main d’œuvre locale, au profit de la création d’emploi.

Bien sûr, il est plus facile de partir faire du volontourisme sur des missions accessibles sans compétence, ni diplôme. Vous êtes-vous déjà poser la question de savoir si la même chose serait possible en France dans ces conditions. ? A l’étranger, on voit des Français donner des cours d’anglais à des enfants au Vietnam, sans expérience ni compétences dans l’enseignement. Sans les compétences nécessaires, les actions de ces volontaires ont un impact très limité, voire inexistant.

Les voyages humanitaires peuvent même paradoxalement avoir des impacts néfastes sur la population locale. L’inadéquation des projets aux besoins locaux est parfois criante. Au Cambodge, par exemple, de nombreux orphelinats ont été construits à la suite de leur succès auprès des touristes. Les enfants accueillis ont parfois toujours des parents, notamment défavorisés, mais leur ont été retirés pour attirer les volontouristes. Les missions touristiques dans les orphelinats sont également nuisibles aux enfants, puisqu’elles leurs font subir des départs et des séparations très fréquentes.

Ainsi, l’honorable démarche initiale du voyage humanitaire est aujourd’hui perturbée par les dérives commerciales et les logiques du tourisme de masse qui la touchent.

Comment se prémunir des dérives du voyage humanitaire ?

Les offres de « voyage humanitaire » ou « tourisme humanitaire » sont nombreuses. Elles diffèrent du tourisme solidaire. Lors d’un voyage solidaire, une partie de la somme payée revient à une organisation ou une association promouvant le développement local. Le tourisme humanitaire se différencie également de l’éco-volontariat, qui ne s’effectue pas non plus dans une situation de crise et qui vise exclusivement la préservation de l’environnement, ainsi que du tourisme communautaire, où le voyageur est hébergé chez l’habitant. Mais la limite peut parfois être difficile à reconnaitre entre des voyages solidaires, du tourisme humanitaire, et des missions de volontariat sérieuses, de service civique ou autre chantiers internationaux.

Au lieu de pratique un tourisme humanitaire, pourquoi ne pas vraiment s’engager avec des organismes sérieux ? Il existe des volontariats encadrés pour partir en mission pendant 12 mois dans le monde entier, avec Volontariat de Solidarité Internationale (VSI), ou encore le programme EU Aid Volunteers, pour lesquels des compétences spécifiques sont exigées.

D’autres dispositifs existent, comme le Service civique à l’international, ou les chantiers internationaux, qui remettent au centre l’esprit de découverte interculturelle et l’apprentissage mutuel.

L’exemple de Freepackers remporte pas mal de succès auprès des étudiants désireux de partir en stages dans des ONG à l’étranger. Celles-ci manquent de ressources humaines dans certains pays d’action. Freepackers a décidé de rendre visibles les ONG partenaires. L’organisation oriente les volontaires vers des projets humanitaires en faveur des animaux, de la protection de l’environnement, dans un seul but : développer la solidarité internationale. Freepackers propose par exemple de partir en Afrique du sud pour participer à un projet de protection des félins et des animaux sauvages. Sur place, une ferme refuge accueille des jeunes pour mener à bien cette mission de protection des animaux et félins locaux.

Il existe de multiples initiatives de bénévolat solidaire et responsable. France Volontaires permet de trouver la bonne information et d’être mis en relation avec des projets humanitaires. L’organisme rappelle qu’avant de s’engager, il faut prendre le temps de se poser les bonnes questions. Pour vivre une expérience de volontariat international utile, pour les individus que l’on va côtoyer comme pour soi, il faut réfléchir à la forme d’engagement en adéquation avec ses motivations et son profil. Après seulement, on peut prétendre à partir en mission humanitaire à l’étranger. On peut aussi se demander si on est vraiment obligé de partir loin pour faire quelque chose de bien. Pourquoi ne pas s’engager dans des organisations de proximité œuvrant pour la solidarité internationale ?

L’exemple de Double Sens pratiquant un tourisme participatif

Si vous ne souhaitez pas vous engager pour un volontariat international mais chercher un voyage différent, adressez-vous à Double Sens. Labellisé ATR, l’agence de voyage Double Sens pratique un tourisme durable depuis 2006.

Loin du volontourisme, l’équipe propose des voyages participatifs et des expériences en immersion pour créer une rencontre privilégiée avec les populations locales. Dans une logique de tourisme solidaire, une partie du montant de votre séjour finance des micro-projets aux communautés qui vous accueillent. Avec vos hôtes et des experts locaux, vous participez à un projet qui a du sens dans le domaine de l’agriculture durable, la cohabitation Homme / Animal, les micro-chantiers, la protection de l’environnement, la restauration du patrimoine ou le troc de ressources naturelles. On ne visite pas seulement un pays, on vit un voyage engagé et humain en petit groupe.

Enfin, on peut rappeler que les voyageurs peuvent changer les choses à leur façon sans pratiquer un voyage humanitaire. Tout simplement en suivant les principes d’un tourisme responsable : participer à l’économie locale du pays, manger dans des restaurants locaux, passer une nuit chez l’habitant dans un village…